Dune et le langage

Démarré par Anudar, Décembre 06, 2012, 06:57:45 PM

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ionah

#2
   L'utilisation faite par Frank Herbert dans Dune n'est certainement pas anodine. Le roman utilise ardemment ce concept sous ses diverses formes afin de 'vectoriser' ses thèmes dominants. En faisant un détour par l'essaie de Tim O'Reilly "the Maker of Dune", des indices peuvent être recueillit sur la relation de l'auteur au langage.

Citation"While Frank was not a poet, poetry was important to him as a tool in his wrting, and the boundary between prose and poesy often blurred when he composed the intense passage in his novels [...] 'If I want a passage to be evocative, I will write it as poetry' [...] I work on the beat, to fit the total rhythm of what i' m doing' " (p62)

  Donc sans être poète, Frank Herbert  herche à en capturer l'essence, la dynamique pour rythmer son texte. Aussi, en rédigeant son article 'Poetry' en 1971, il relevait alors qu#en fabulant le monde, le poète - plus que le non-poète - s'impliquait bien plus profondément dans la signification et le rythme, le poète s'imprégnait davantage de son environnement pour rendre des dynamiques alentours. Et son outils et le langage. En se faisant poète dans le texte, Frank Herbert stimule l'effet catalyseur du langage entre émetteur et récepteur.

  Le langage se place entre. Dans Dune, il est ce qui à la fois différencie et relie. Ainsi, les idiomes et codes familiaux permettent à chaque groupe de se distinguer en excluant l'autre d#une compréhension immédiate. Atréides, Bene Gesserit, Fremen, Tleilax... chaque corps entretient sa capacité à s'isoler, à travailler son identité propre de sa communauté. Vocal ou gestuel, intellectuel ou physique, le langage permet d'entretenir la spécificité interne du groupe. Parfois dénommé jargon, il se décline dans tous les corps de la société. Parfois dénommé dialecte, il se créolise dans toutes les régions du monde. Les peuples et groupes sociaux construisent le leur propre afin de fortifier leur singularité. De même dans Dune, les Fremen ont ils fait du Chakobsa une langue imprégnée du désert et du mystique, ou les Tleilaxu ont fait du sifflement un appareil de commande sur leur Danseur-Visage.

  À la lumière de ceci, il n'est donc pas surprenant de voir le langage être autant employé dans ce roman

  Et Frank Herbert ne s'arrête pas là. Dans son emploi le plus poussé, le langage peut être aliénateur; comme la Voix ou le sifflement qui ne suggère qu'une réaction docile de celui qui subit, du récepteur par rapport à l'émetteur. Et cet emploi du langage se situe sur un ligne rouge. Au-delà, c'est la violence.

  Si l'on trouve beaucoup de dialogue qui s'apparente parfois à de vrais-faux monologues ou à de fausses-vraies interactions entre un maître et son élève qui sera, par le procédé de la maïeutique, amené avec le lecteur à la lumière et la connaissance des choses cachées, des intentions dissimulées, des messages cryptés. Les dialogues - toujours très vifs et précis, qui stimulent l'esprit et qui laisse le lecteur comme le protagoniste danser sur le fil de la situation - sont des moments clés dans l'intrigue des romans, des moments dans lequel le langage permet le transfert du savoir et le contrôle de l'action. Lorsque ces dialogues, basés sur une grande maîtrise du langage oral et physique et durant lesquels les messages centraux du roman sont véhiculés, échouent, alors éclate la violence. Poussé à la caricature avec l'Empereur-Dieu de Dune et son majordome, si un échange ne porte pas ses fruits, le Ver qui est en Dieu prend le dessus: l'exemple se retrouve par ailleurs entre Paul et Bijaz, Leto II et guide du Prêcheur, Odrade et Waff, Lucille et Dama... Lorsque les mots échouent, lorsque le langage échoue apparait la violence. Alors s'il est difficile de penser que le message soit que la violence fut la continuité du langage sous une autre forme; lorsque les protagonistes n'ont pu résoudre le test de l'autre, alors la Voix et le sexe sont employés comme première forme de violence institutionnalisée, de forme totalitaire d'acquisition de l'autre là où le langage faisait resurgir l'altérité d'Autrui.
  Au delà, c'est la mort.

Anudar

Cela se passe ici : http://blog.dune-sf.fr/dune-au-commencement-etait-la-voix/

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« Nos pères et nos mères ont commis l'ubris et ne sont plus,
Et nous portons maintenant le poids de leurs iniquités. »

Anonyme, Péan de l'Intégration.