Auteur Sujet: Interview de Frank Herbert  (Lu 10897 fois)

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Interview de Frank Herbert
« le: avril 03, 2005, 09:39:28 pm »
Cette interview a été donné au journal Vertex, au moment de la sortie de "Et l'Homme créa un Dieu".

    Le titre présente parfaitement le thème du livre: des prêtres décident de créer, cette fois, un Dieu à partir d'un humain. Suivez les parcours de cet élu, de planètes en planètes, qui offrira le plus grand présent à l'humanité: à vous de le lire... Bon livre qui présente de nouveau la violence contenue dans chaque humain.

Vertex : Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire de la SF ?

 Frank Herbert : C'est le genre de chose qu'il est très difficile d'analyser. Malgré tout je dirais que c'est sans doute dû à une imagination débordante et au fait que j'ai pensé très tôt, dès le début des années 50, que la SF constituait un courant littéraire important. La SF possède une marge de man?uvre bien supérieure à toute autre forme de littérature. Vous pouvez faire plus de choses intéressantes en SF que dans une ?uvre de fiction classique. Je ne veux surtout pas dénigrer cette forme de littérature. Chacune a sa place et sa fonction dans notre société et j'espère qu'il en sera toujours ainsi. Vous choisissez ce qui convient le mieux en fonction de l'histoire que vous avez à raconter. Et au début des années 50, j'ai ressenti le besoin d'écrire de la SF. C'est comme cela que j'ai démarré.

 V : Est-ce que vous lisiez de la SF auparavant ?

 FH : Oui, j'étais déjà familier avec la SF. J'ai commencé à en lire au début des années 40. J'en lisais donc depuis 10 ans quand j'ai commencé à en écrire.

 V : Qui étaient vos auteurs favoris ?

 FH : J'ai lu un peu de Heilein et de H.G.Wells. J'ai lu aussi Jack Vance et c'est à cette époque que j'ai fait sa connaissance. Jack est venu se présenter environ 6 mois après que j'ai commencé à écrire de la SF. J'avais entendu dire qu'il ne vivait pas très loin de chez moi. Nous avons fini par emmener nos deux familles à Mexico. Nous avons vécu un moment là-bas et écrit quelques histoires ensemble. Nous sommes toujours des amis très proches. J'ai lu également Poul Anderson. Vous savez, je pourrais continuer à vous donner des noms pendant un moment. J'ai lu  un peu tout ce qui se faisait avant de démarrer. Je voulais voir ce qui avait été fait.

 V : Que faisiez-vous à l'époque où vous avez commencé à écrire de la SF ?

 FH : J'éditais des journaux, mais j'écrivais aussi de la fiction. J'écrivais de petites histoires. Ca m'est venu très tôt. Je me rappelle du déjeuner d'anniversaire de mes 8 ans où j'ai solennellement annoncé à ma famille que je serais un écrivain. Ma mère conserve précieusement plusieurs tentatives de fictions, bourrées de fautes d'orthographe, que j'ai écrites à cette époque. Même maintenant, je peux reconnaître que j'avais le don de placer une accroche narrative au début d'une histoire.

 V : Dune est sans aucun doute votre livre le plus connu.

 FH : Oui.

 V : Comment vous est venu l'idée de ce livre ?

 FH : Eh bien je nourrissais l'idée de traiter du sujet de l'impulsion messianique dans notre société depuis un bon moment. Ma technique consiste à rassembler de la documentation. J'en ai rempli des dossiers. Lorsque j'ai une bonne idée pour un personnage, je la mets dans un dossier avec son nom dessus. Une fois, je me suis rendu à Florence, dans l'Oregon, pour écrire un article à propos d'une expérience menée par le ministère de l'agriculture sur le contrôle des dunes. Les Etats-Unis ont été des pionniers dans ce domaine. L'idée était de développer des herbes et autres plantes qui permettent de contenir les dunes lorsqu'il y a du vent. Vous voyez, une dune fonctionne exactement comme un fluide, à la différence que cela lui prend plus de temps pour se déplacer. Cela crée des vagues, qui, vues du ciel, sont similaires à celles de la mer.

 V : Comme une mer au ralenti ?

 FH : Oui, c'est tout à fait ça. J'ai donc écrit cet article, puis j'ai commencé à rassembler de la documentation sur le contrôle des dunes. Cela m'a conduit à m'intéresser à l'écologie, à ce que nous faisions à notre planète. Un jour, je me suis aperçu que j'avais rempli tout un tiroir et qu'il ne me restait plus alors qu'à écrire ce livre. Je me suis donc assis et ai inventé l'histoire de Dune.

 V : Pour un début, Dune représente un travail relativement conséquent.

 FH : Je sais ! Ce fut long. J'ai découpé l'histoire en trois parties et en ai conservé plus d'un tiers pour le 1er livre. Je me suis assis et ai pris à peu près un an et demi pour rassembler tout ça et en tirer quelque chose. Les revenus que je tirais de la bourse de NY étaient faibles et le traitement que m'accordaient certains éditeurs était à la limite de l'outrage. Puis j'ai continué et ai écrit Le Messie de Dune, bien avant de savoir que Dune allait connaître le succès. Je le voyais comme une sorte de pivot, pointant à la fois vers l'arrière et vers l'avant, car j'avais une vision très étendue de la manière dont je voulais traiter ce thème de l'impulsion messianique dans les sociétés humaines. Je travaille actuellement sur le 3ème et dernier volet, qui sera sans doute aussi long que Dune lui même. Je ne sais pas si je vais le terminer bientôt car la vie, ainsi que d'autres travaux plus urgents, m'occupent beaucoup. Mais je vais le finir, probablement cette année.

 V : Avez-vous un titre pour ce livre ?

 FH : Non. J'en ai un temporaire, mais j'essaie de ne pas trop parler de mon travail lorsqu'il est en cours. Mon conseil à tous les écrivains : ne gaspillez pas vote énergie à parler de ce que vous écrivez en ce moment, mettez la dans votre machine à écrire. Vous dépensez autant d'énergie à parler de votre travail qu'à le faire. Je suis très méfiant, très mystérieux à propos de tout cela. Je garde tout ça pour moi, et lorsque je m'asseois devant ma machine à écrire, c'est comme un flot qui se déverse.

 V : Parlons de votre technique. Est-ce que vous avez besoin de choses particulières pour travailler. Par exemple, avez-vous besoin d'un environnement de travail spécifique ?

 FH : Oh, je pense que nous avons tous besoin d'environnements particuliers pour les différentes choses que nous faisons. Un écrivain a besoin de temps, sans interruptions, ainsi que des outils propres à son métier : du papier et un instrument d'écriture quelconque. Jack Vance utilise des crayons ou des stylos. Je trouve sa technique très intéressante. Il utilise des stylos de couleurs différentes. Il les met dans un plat, à côté de lui. Lorsqu'il se lasse du bleu, il écrit en vert, rouge, orange ou noir. Pour ma part, j'utilise une machine à écrire. Déformation professionnelle sans doute. J'ai appris à taper à la machine à l'âge de 14 ans. Dans ce genre d'exercice, vous entraînez votre pensée à descendre au bout de vos doigts. Il s'effectue comme une sorte de lien à travers votre corps. Votre pensée arrive dans votre tête et se retrouve immédiatement sur le papier. J'ai donc besoin d'un endroit où je peux m'asseoir sans être interrompu pendant au moins 4 heures par jour, quand ce n'est pas 6, voire souvent plus.

 V : Vous écrivez de longues heures durant lorsque vous êtes inspiré ?

 FH : Oh, je n'attends pas que l'inspiration vienne. Je me contente de m'asseoir et de travailler à l'élaboration de ce que j'avais imaginé au départ. Les trois livres de la série Dune m'intéressent toujours autant. Je crois que c'est dû à la manière dont ces impulsions se forment dans cet organisme que nous appelons société.

 V : Il y a eu beaucoup de changements dans nos sociétés et nos cultures depuis que vous avez écrit Dune. Tenez-vous compte de ces changements ?

 FH : Oh oui. Le livre se transforme au contact de l'expérience. Il est fou, celui qui ne met pas tout ce qu'il a, à tout moment, dans ce qu'il est en train de créer. Vous êtes là, en train d'écrire. Vous ne voulez pas tuer l'oie, mais simplement qu'elle ponde son ?uf. Je ne m'inquiète donc pas en ce qui concerne l'inspiration, ou pour toute autre chose équivalente. Ce n'est qu'une question de s'asseoir et de faire son travail. Je n'ai jamais eu de problèmes de ce côté-là. J'en ai simplement entendu parler. Il y avait parfois des jours, des semaines entières durant lesquels je n'étais pas très enthousiaste à l'idée d'écrire. J'aurais préféré aller à la pêche, ou tailler des crayons, ou aller nager. Mais par la suite, lorsque je me relie, je suis incapable de faire la différence entre ce qui m'est venu facilement et ce pour quoi il a fallu que je me dise : "bon, maintenant c'est le moment d'écrire, et je vais écrire." Cela ne fait aucune différence sur le papier.

 V : Il me semble que cela pourrait provenir de votre expérience journalistique où vous devez écrire quelles que soient les conditions ou votre état d'esprit.

 FH : Oui, vous vous asseyez et vous conditionnez dans un seul objectif : c'est le moment d'écrire et vous avez un délai à respecter. Vous donnez alors le meilleur de vous même à ce moment là et vous le faites.

 V : Qu'écrivez vous d'autres en ce moment, en plus des "Chroniques de Dune" ?

 FH : Hé bien j'écris le script narratif d'un documentaire sur la patrouille de démonstration de la Navy, les Blues Angels. Cela m'a intéressé car il ne s'agissait pas d'un documentaire conventionnel. Cela n'était pas quelque chose du genre : "hé, on va vous faire une démonstration du tonnerre !". Je suis pilote, j'étais donc intéressé par le point de vue du vol en lui même. Ce qui m'a frappé aussi, c'est que vous avez des gars qui pilotent des avions de chasse et qui font des choses extraordinaires avec, mais qui n'ont vraiment pas conscience de ce qu'ils réalisent. Ils savent voler, ils savent qu'ils font des choses superbes et ils en tirent une grande satisfaction. Mais ils ne comprennent pas quelles sont leurs relations avec eux-mêmes, avec leur avion, et avec le reste du monde. Ce qu'ils montrent aux gens c'est qu'en fait un être humain peut faire ces choses extraordinaires : faire voler deux avions l'un à côté de l'autre. Ils s'entraînent pour que leur avion les porte tout autant qu'ils le pilotent. Ils pensent qu'ils contrôlent leur avion. Cette idée du contrôle absolu est une émanation de la culture Western. Elle est ancrée dans notre langage, elle fait parti du verbe être : "soit tu le fais, soit tu ne le fais pas !". C'est cette vieille dichotomie cartésienne -- La séparation entre le corps et l'esprit. Il n'y a pas de séparation entre le corps et l'esprit.

 V : Vous avez précédemment parlé de la culture mondiale, une réunion de toutes les cultures de la Terre. Apparemment vous y avez réfléchi depuis un bon moment. Voyez vous des choses, des idées qui sont communes à toutes les cultures, une sorte de tendance que suivraient ces cultures?

 FH : Hé bien je ne vois pas de tendances dans le sens de : "où allons nous ?", mais je vois beaucoup d'influences qui vont mutuellement interagir, créer quelque chose de nouveau. Bien sûr, nous pouvons parler ensuite de certaines choses qui vont arriver. A moins que nous n'effectuions une avancée considérable dans le domaine des sources d'énergie, ce qui est toujours possible (c'est notre tendance à croire aux miracles), nous allons assister à des catastrophes humaines dans certaines parties du monde. Plus particulièrement dans au moins une zone. J'ai d'autres exemples en tête, mais l'île de Java, que j'ai visité l'été dernier, a aujourd'hui une population de plus de 80 millions de personnes. Ils connaissent des densités de population urbaines dans les campagnes. Actuellement, ils n'occupent pas toute la place disponible, mais une partie n'est pas utilisable par les hommes. Donc, une fois encore, à moins que l'on ne fasse des découvertes importantes en ce qui concerne les sources d'énergie et les sources de nourriture, une catastrophe humaine va se dérouler à cet endroit car ils ne font rien pour contrôler la croissance de leur population. Ils possèdent encore l'un des taux de croissance les plus élevés du monde. Maintenant, et restons prudent à ce sujet, s'ils doublent leur population d'ici à l'an 2000, leur terre ne pourra pas les supporter avec les sources d'énergie actuelles. Elle est tout juste capable de le faire actuellement. Ils sont donc très proche d'une catastrophe. Et je pense que le reste du monde sera impuissant face à ce problème. Nous ne pourrons pas tirer suffisamment de nourriture de ce pays, et même si nous le faisions, nous ne ferions qu'accroître le problème.

 V : Pourquoi cela ?

 FH : Parce que la pression sur une société, la présence du danger, et notamment celui de la famine, tendent à faire croître la population. C'est une poussée vers la procréation.

 V : C'est ce qui s'est passé pendant les périodes de guerre.

 FH : Oui, nous sommes sortis d'une guerre avec une population plus importante que lorsque nous y sommes rentrés, en dépit des pertes. Je prévois donc que Java va connaître un grave problème de surpopulation d'ici à 15 ans. Cela va se faire sentir dans le monde entier. Pas  simplement à cause de notre incapacité à traiter le problème, c'est à dire leur fournir de la nourriture, mais les gens vont commencer à regarder à l'intérieur de leurs propres sociétés. Toute la société va ausculter ses propres efforts. Je crois vraiment que ce que nous appelons "le changement des moralités", qui se traduit par l'utilisation du sexe en tant que plaisir plutôt que comme un moyen de procréation, n'est qu'une sorte de réaction sociale qui permet à la fois de limiter la population et de satisfaire nos besoins sexuels.

 V : C'est donc une évolution très rapide.

 FH : Oui, je le vois comme ça. Le Japon a su maîtriser la croissance de sa population. Je vois le même genre de choses arriver aux Etats-Unis. Je ne vois pas le même genre de choses arriver dans les pays musulmans ou en Amérique Latine. L'Amérique Latine est une autre zone que nous devons regarder de près car ils ont échoué à régler leur problème au moment où ils devaient le faire. S'ils ne limitent pas leur population ils devront trouver un autre moyen de régler ce problème.

 V : Pour en revenir à la SF, quel rôle pensez vous qu'elle doive jouer ? Pensez-vous que la SF peut aider, ou aide à résoudre certains problèmes ?

 FH : Je pense que la SF peut nous aider, et elle parle de choses très intéressantes. Elle dit que nous avons suffisamment d'imagination pour effectuer d'autres choix. Nous avons tendance à nous attacher à des choix trop limités. Nous disons : "bon, la seule solution est..." ou "si tu voulais simplement...". Quoi que vous mettiez à la suite de ces phrases, vous réduisez les possibilités de réponses. Cela abaisse votre vision au raz du sol et vous empêche de voir autre chose. Les êtres humains ont trop tendance à ne pas élargir suffisamment leur regard. Aujourd'hui, nous sommes forcés de porter un regard beaucoup plus ouvert sur le monde et sur ce qu'on lui fait. C'est sur ce point, je pense, que la SF peut nous aider. Je ne pense pas que le simple fait d'écrire des livres tels que "Brave New World" ou "1984" empêche les événements qu'ils décrivent d'arriver. Mais je suis convaincu que le fait d'en parler éveille notre conscience sur ces sujets et rend la probabilité qu'ils surviennent plus faible. B.F. Skinner me gène. Il est plus correct du point de vue d'Huxley. Il se tient là debout, comme un enfant et dit : "S'il vous plaît, laissez moi avoir un monde comme ça parce que je me sens bien dedans !" Il dit : "Je veux le contrôler". Il se pourrait qu'il ait raison dans le fait que toute notre société aille tout droit dans cette direction et il a peut-être, de son point de vue, opté pour un minimum de maux. Mais quel genre de société cela pourrait-il bien produire ?

 V : J'aimerais aborder quelques aspects personnels de votre vie. Vous avez dit précédemment que l'un de vos hobbies était l'électronique. Que faîtes vous d'autre pour vous divertir ?

 FH : J'aime l'ébénisterie. J'aime faire des choses avec mes mains lorsque je n'écris pas. J'essaie de m'éloigner autant que cela m'est possible du travail de l'écrivain. Cela m'aide, c'est comme une sorte de catharsis. Je jardine. Je possède 6 âcres et demi de terre au nord-est de la péninsule Olympique dans l'état de Washington. Je suis en train de développer un petit morceau de terrain, lequel va, je l'espère, me servir à démontrer que l'on peut atteindre une bonne qualité de vie sans consommer trop d'énergie. Je vais y effectuer quelques travaux manuels. J'enlève les saletés et je déplace les rochers. Je suis en train de créer une combinaison de marais, d'étang et de lac. Je vais planter du riz sauvage et du riz des hautes terres, qui a été développé spécialement pour l'utiliser en altitude dans les îles des Philippines. Je ne suis pas une de ces personnes qui croit dans cette vision écologique qui consiste à dire que l'homme ne doit pas modifier la Terre. Je crois que lorsqu'il le fait, il devrait le faire en pensant au futur, et avec une attention telle que, lorsqu'il aura changé la terre, il y aura là quelque chose de plus nourrissant qu'auparavant. Je vais introduire des truites dans ce petit lac, ainsi que des grenouilles et autres animaux de cette sorte. Cela va attirer des oiseaux qui vont se nourrir avec le riz. C'est pourquoi j'en ai planté. Je vais construire une sorte de maison d'échange ici - une maison dans laquelle je pourrais recevoir des invités, des amis et où nous pourrons échanger nos idées. J'espère pouvoir la construire sur de l'adobe stabilisé, ce qui constitue un matériau très isolant. Au fur et à mesure que je monterai l'adobe, cela me fournira une base pour cette maison. La terre que nous avons retirée pour faire le marais me fournira de l'adobe. Je devais réaliser ce que j'avais dit. J'étais là, à répéter ces choses à qui voulait l'entendre. Mais c'est une chose de dire : "Nous devrions le faire" et c'en est une autre d'y aller et de dire simplement : "Hé bien, c'est comme cela que nous devrions faire, et en voici l'exemple. J'avais tort à propos de cela. J'ai réalisé que pour faire ceci, mon approche originale devait être modifiée". C'est ce que nous avons toujours appris lorsque nous nous sommes salis les mains. le fait de réaliser quelque chose nous en apprend toujours plus. C'est l'un des problèmes de l'éducation. Vous vouliez en savoir plus sur ma vie personnelle. J'ai enseigné à l'université de Washington jusqu'au dernier trimestre. J'ai pris deux années sabbatiques.

 V : Quel cours enseigniez-vous ?

 FH : J'enseignais un cours magistral intitulé Utopie/Contre-Utopie, qui est une analyse du mythe d'une meilleure vie ; comment nous le portons dans nos têtes. Nous ne faisons rien sans avoir recours à ce mythe : nous laisser pousser les cheveux sur la figure, le choix de nos amis, les vêtements que l'on porte, le type de gouvernement que nous choisissons, qui nous désignons comme étant le meilleur leader, le plus mauvais aussi. Nous n'entrons pas dans l'isoloir sans emmener ce mythe avec nous.

 V : Avez-vous réalisé de la documentation sur ce cours ?

 FH : Oui. Cela m'a frappé que l'académie se soit engagée sur la voie de : "l'éducation peut-être dispensée avec de l'énergie". Maintenant, toute les académies n'ont pas suivies ce chemin. Nous avons beaucoup de personnes formidables dans notre éducation qui travaillent en dépit des intrusions du pouvoir administratif. Mais quand vous y réfléchissez, une école est une personne  qui a des connaissances qui fonctionnent. Elle peut démontrer que cela marche. Les gens veulent apprendre comment faire ces choses, de la même manière.

 V : Cela vous amusait-il d'enseigner ce cours ?

 FH : Oui. Je l'enseignais sur le principe réussite/échec. Il me fallait donner des notes pour le système, mais je donnais un 'A' à tout le monde. La notation s'immisce dans l'éducation. Il est totalement évident que nous sommes une espèce à la fois unique et différente. Le fait que nous nous reproduisions sexuellement implique que nous ne sommes pas tous identiques. Non pas dans nos capacités, nos désirs ou n'importe quoi d'autre. Chacun d'entre nous est un genre à part entière. C'est pareil pour une classe. Il y a des gens qui ont des aptitudes qui se développent dans une certaine direction, de telle sorte que si vous construisez un système qui va dans cette direction, vous pourrez dire que certains sont meilleurs que d'autres. Mais cela vous empêche d'apprendre des choses de n'importe qui dans la classe. Une classe doit être un endroit où le professeur apprend lui aussi. J'ai développé ce que je pense être une bonne manière de déterminer si les élèves ont appris quelque chose grâce à mon cours, et si j'ai appris quelque chose d'eux. Si j'apprend quelque chose d'eux, cela signifie qu'ils apprennent de moi aussi. Maintenant je ne dis pas que nous devrions noter les étudiants en médecine avec un tel système. N'interprétez pas mes propos de travers. Nous avons développé un ensemble de paramètres pour un contexte précis. Mais nous devons reconnaître ce que nous faisons, comment nous avons développé ces paramètres, comment nous les modifions pour que les résultats soient ce que nous  voulons qu'ils soient. Vraiment, cela bloque le développement. A n'importe quel moment vous  devez avoir quelqu'un qui sait faire ce que d'autres ne savent pas faire et qui peut démontrer ses  capacités. Il dira : "Voici ce que je peux faire...".

 V : Et il transfère l'information.

 FH : Oui. "Voici comment je le fais". Maintenant, ce pourrait ne pas être la seule manière de le faire. Ce pourrait ne pas être la meilleure. Nous pourrions développer une façon de faire qui soit beaucoup plus performante. Mais dans une société basée sur le pouvoir, le pouvoir adhère à ceux qui ont connaissance de la manière dont les choses fonctionnent, sans s'occuper de savoir combien de temps cela fonctionnera.

 V : Et le pouvoir disparaît rarement après cela.

 FH : Hé bien oui. Le pouvoir attire le pouvoir de telle manière que cela comprime les voies de développement.

 V : Et y a-t-il un moyen de s'en sortir ? Comment pourrions-nous élargir ces voies de développement ?

 FH : Hé bien si vous ne voulez pas vous retrouver avec une société chaotique, avec tout ce qui est inhérent à cela et qui ne constitue pas une réponse, vous avez besoin de chemins qui explorent les concepts les plus informels.

 V : Avez-vous une idée de la manière dont on pourrait faire cela ?

 FH : Cela se réalisait de différentes façons dans ce que nous appelons des "conditions primitives". L'ermite pouvait le faire. Mais nous nous éloignons du monde de l'ermite. Si un homme a l'idée qu'en découpant des morceaux dans un rondin d'arbre, en insérant des branches en leur milieu et en plaçant une charge sur ces branches - vous pourriez transporter une charge plus lourde, la déplacer où vous le désirez -, cet homme pourrait simplement se mettre à réaliser son idée. Mais notre société, dans son ensemble, a décidé que si nous laissons les physiciens construire les roues et tailler les rondins, alors le résultat peut être utilisé comme un instrument de pouvoir, et éventuellement servir à la guerre, voir à la destruction de la planète. A cet égard, je ne suis pas aussi inquiet à propos des armes atomiques que je le suis à propos de toute la structure qui peut les produire. Beaucoup plus dangereux pour notre société, je veux dire qui peut surgir de n'importe où, est la capacité d'un chimiste et d'un pharmacien travaillant dans un laboratoire, par exemple en Afrique du Sud, à produire un virus mutant qui se répandrait comme un feu de paille à travers le monde.

 V : Comme dans les vieilles histoires de SF ?

 FH : C'est tout à fait réel, un vrai danger qui nous guette.

 V : Nous ne sommes pas loin de vivre dans un monde de Science-fiction aujourd'hui, n'est-ce pas ?

 FH : Oui. Je le vois très clairement, comment toutes ces choses se forment autour de nous. Le développement a lieu dans de nombreuses directions. Il n'y a aucun moyen de contrôler cela., de le canaliser aux moyens de directives gouvernementales. Il n'y a aucun moyen par exemple d'empêcher ce pharmacien ou ce chimiste de travailler dans ce laboratoire en Afrique du Sud.

 V : C'est vrai. Mais ne devons nous pas malgré tout trouver les moyens d'empêcher cela si nous  voulons survivre ?

 FH : Je pense que nous le faisons dans la mauvaise direction. Nous ne pensons qu'à contrôler de tels agissements, au lieu d'avoir une société mondiale où les gens n'auraient tout simplement pas envie de faire ce genre de chose, de détruire leurs semblables.

 V : Si nous pouvions apprendre comment faire cela, nous verrions la plupart des problèmes résolus.

 FH : Ce n'est pas une chose facile. Une partie de cela est la simple reconnaissance de l'humanité, du fait que tous les autres êtres humains sont comme moi. Vous savez, quand on y réfléchit, chaque société a sa manière de définir le mot humain. Nous pensons que nous savons ce qu'est un être humain. Je commence toujours mon cours par demander une définition de l'humain. Je ne dis pas homo sapiens. Je ne dis pas non plus que je veux une définition médicale ou physique. Je dis simplement, définissez-le. Et après quelques petits coups de coude ici et là, nous arrivons à mon idée que la plupart des sociétés définissent l'être humain ainsi : "comme moi". S'ils sont suffisamment comme moi, je laisserais ma fille en épouser un. S'ils ne sont pas comme moi, quelque part, cela veut dire qu'ils ne sont pas humains. Se sont des nègres, des ritals, des chinetoques. Tout le monde le sait, ils ne sont pas humains... pas totalement. Ou bien se sont de sales Indiens. Tout ce que vous avez à faire c'est de les regarder pour voir qu'ils ne sont pas comme moi. Ils ne ressentent pas les choses comme je les ressent. C'est pour cela que, si cela s'avère nécessaire, pour des raisons que je définis moi-même, en tuer quelques uns ne sera pas une perte pour le monde.

 V : Se sont des idées primaires que nous devons surmonter.

 FH : Exact, nous devons les surmonter car se sont des sentiments qui nous viennent de nos racines tribales. Cela va si loin que, par exemple, une personne qui travaille pour AT&T et qui est vraiment impliquée par ça, sait qu'elle est meilleure que quelqu'un qui travaille pour US Steel. Le gars de US Steel, bien entendu, est juste un petit peu moins qu'un humain.

 V : Il y a beaucoup de personnes qui respectent vos écrits, M. Herbert, et vos compétences. Voudriez-vous leur dire quelque chose ?... A tous les jeunes en particulier.

 FH : Oui. Je voudrais leur dire d'être très prudents et de ne pas chercher de boucs émissaires. La technologie n'est pas quelque chose qui doit être détruit, mais qui doit nous aider à résoudre nos problèmes. Jusqu'où allons nous la limiter ? Allons nous revenir à la scie manuelle et à la hache ? De quels éléments de la technologie allons nous nous défaire? Je dirais qu'il faut qu'ils donnent libre cours à leur imagination. Allez-y, essayez d'imaginer les choses qui pourraient être amusantes, distrayantes, les choses que seraient intéressantes à faire. Faites le en gardant un ?il sur les vagues que cela pourrait engendrer et sur les personnes qui pourraient être touchées. Eventuellement, ils vous faudra chanter pour gagner votre soupe.

 V : Merci beaucoup M. Herbert.

 :ace_smiley252:  Je n'ai pas traduit cet article. Je l'ai trouvé sur : http://membres.lycos.fr/cazeau/fhdune7.htm
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Interview de Frank Herbert
« Réponse #1 le: avril 03, 2005, 11:55:07 pm »
Merci Leto, cet article est excellent. Je crois néanmoins avoir déjà lu cette interview quelque part, mais je ne crois pas que cela soit sur le forum.
Pourrais-tu tout de même citer ta source (toujours le faire dans la mesure du possible) ? Est-ce une traduction de ta part ?
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Interview de Frank Herbert
« Réponse #2 le: avril 04, 2005, 03:10:55 am »
Très intéressant. Moi je ne connaissais pas et je l'ai lu avec attention.

Un peu déçu quand même que 'God Makers' n'ait pas été abordé.
Vu toutes les fautes, je suppose que tu ne l'as pas copié/collé à partir d'un article! :lol:
Et ce point qu'on avait déjà évoqué ailleurs:
Citer
un chimiste et d'un pharmacien travaillant dans un laboratoire, par exemple en Afrique du Sud, à produire un virus mutant qui se répandrait comme un feu de paille à travers le monde.
est tout de même confondant vis à vis du sida, qui n'est apparu que 10 ans plus tard!

Merci beaucoup Leto!
L'art est un travail ingrat,
mais il faut bien que quelqu'un le fasse.

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Re: Interview de Frank Herbert
« Réponse #3 le: avril 14, 2005, 03:46:26 pm »
Citation de: "Leto";p="16421"

 V : Comment vous est venu l'idée de ce livre ?

 FH : Eh bien je nourrissais l'idée de traiter du sujet de l'impulsion messianique dans notre société depuis un bon moment.


Le héros de départ est donc bien Paul et sa mère. Et non pas Idaho comme certains l'ont cru (car il apparaitrait dans tout le cycle...

Citer

Ma technique consiste à rassembler de la documentation. J'en ai rempli des dossiers. Lorsque j'ai une bonne idée pour un personnage, je la met dans un dossier avec son nom dessus. Une fois, je me suis rendu à Florence, dans l'Oregon, pour écrire un article à propos d'une expérience menée par le ministère de l'agriculture sur le contrôle des dunes. Les Etats-Unis ont été des pionniers dans ce domaine. L'idée était de développer des herbes et autres plantes qui permettent de contenir les dunes lorsqu'il y a du vent. Vous voyez, une dune fonctionne exactement comme un fluide, à la différence que cela lui prend plus de temps pour se déplacer. Cela crée des vagues, qui, vues du ciel, sont similaires à celles de la mer.

 V : Comme une mer au ralenti ?

 FH : Oui, c'est tout à fait ça. J'ai donc écrit cet article, puis j'ai commencé à rassembler de la documentation sur le contrôle des dunes. Cela m'a conduit à m'intéresser à l'écologie, à ce que nous faisions à notre planète. Un jour, je me suis aperçu que j'avais rempli tout un tiroir et qu'il ne me restait plus alors qu'à écrire ce livre. Je me suis donc assis et ai inventé l'histoire de Dune.


Dune ne serait donc pas, à la base, sorti de l'imagination d'Herbert comme un Moyen Orient Intersidéral mais d'un ......... rendez-vous avec le Ministère de l'agriculture US.

Citer
V : Pour un début, Dune représente un travail relativement conséquent.

 FH : Je sais ! Ce fut long. J'ai découpé l'histoire en trois parties et en ai conservé plus d'un tiers pour le 1er livre. Je me suis assis et ai pris à peu près un an et demi pour rassembler tout ça et en tirer quelque chose. Les revenus que je tirais de la bourse de NY étaient faibles et le traitement que m'accordaient certains éditeurs étaient à la limite de l'outrage. Puis j'ai continué et ai écrit Le Messie de Dune, bien avant de savoir que Dune allait connaître le succès. Je le voyais comme une sorte de pivot, pointant à la fois vers l'arrière et vers l'avant, car j'avais une vision très étendu de la manière dont je voulais traiter ce thème de l'impulsion messianique dans les sociétés humaines. Je travaille actuellement sur le 3ème et dernier volet, qui sera sans doute aussi long que Dune lui même. Je ne sais pas si je vais le terminer bientôt car la vie, ainsi que d'autres travaux plus urgents, m'occupent beaucoup. Mais je vais le finir, probablement cette année.

 V : Avez-vous un titre pour ce livre ?

 FH : Non. J'en ai un temporaire, mais j'essaie de ne pas trop parler de mon travail lorsqu'il est en cours. Mon conseil à tous les écrivains : ne gaspillez pas vote énergie à parler de ce que vous écrivez en ce moment, mettez la dans votre machine à écrire. Vous dépensez autant d'énergie à parler de votre travail qu'à le faire. Je suis très méfiant, très mystérieux à propos de tout cela. Je garde tout ça pour moi, et lorsque je m'assois devant ma machine à écrire, c'est comme un flot qui se déverse.


Donc le Cycle était donc une trilogie à la base (Dune+MOD+COD). Cependant, GEOD était inévitable vu la fin de COD. Donc, FH ne se fixait pas de limite ("le flot qui se déverse")=> il écrivait et il voyait ce que ça donnait... c'est beau!

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V : Parlons de votre technique. Est-ce que vous avez besoin de choses particulières pour travailler. Par exemple, avez-vous besoin d'un environnement de travail spécifique ?

 FH : Dans ce genre d'exercice, vous entraînez votre pensée à descendre au bout de vos doigts. Il s'effectue comme une sorte de lien à travers votre corps. Votre pensée arrive dans votre tête et se retrouve immédiatement sur le papier. J'ai donc besoin d'un endroit où je peux m'asseoir sans être interrompu pendant au moins 4 heures par jour, quand ce n'est pas 6, voir souvent plus.

 V : Vous écrivez de longues heures durant lorsque vous êtes inspiré ?

 FH : Oh, je n'attend pas que l'inspiration vienne. Je me contente de m'asseoir et de travailler à l'élaboration de ce que j'avais imaginé au départ. Les trois livres la série Dune m'intéressent toujours autant. Je crois que c'est du à la manière dont ces impulsions se forment dans cet organisme que nous appelons société.


Eh ben, il travaillait entre 4 et 6 heures/jour ... :ace_eek:  :ace_eek:

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V : Il y a eu beaucoup de changements dans nos sociétés et nos cultures depuis que vous avez écrit Dune. Tenez-vous compte de ces changements ?

 FH : Oh oui. Le livre se transforme au contact de l'expérience. Il est fou, celui qui ne met pas tout ce qu'il a, à tout moment, dans ce qu'il est en train de créer. Vous êtes là, en train d'écrire. Vous ne voulez pas tuer l'oie, mais simplement qu'elle ponde son ?uf. Je ne m'inquiète donc pas en ce qui concerne l'inspiration, ou pour toute autre chose équivalente. Ce n'est qu'une question de s'asseoir et de faire son travail. Je n'ai jamais eu de problèmes de ce côté-là. J'en ai simplement entendu parler. Il y avait parfois des jours, des semaines entières durant lesquels je n'était pas très enthousiaste à l'idée d'écrire. J'aurais préféré aller à la pêche, ou tailler des crayons, ou aller nager. Mais par la suite, lorsque je me relie, je suis incapable de faire la différence entre ce qui m'est venu facilement et ce pour quoi il a fallu que je me dise : "bon, maintenant c'est le moment d'écrire, et je vais écrire." Cela ne fait aucune différence sur le papier.


Il tenait donc compte de l'actualité et modifiait la trame du roman en conséquence. D'où, le parallélisme entre Dune et la réalité.

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 V : Vous avez précédemment parlé de la culture mondiale, une réunion de toutes les cultures de la Terre. Apparemment vous y avez réfléchi depuis un bon moment. Voyez vous des choses, des idées qui sont communes à toutes les cultures, une sorte de tendance que suivrait ces cultures.

 FH : Hé bien je ne vois pas de tendances dans le sens de : "où allons nous ?", mais je vois beaucoup d'influences qui vont mutuellement interagirent, créer quelque chose de nouveau. Bien sûr, nous pouvons parler ensuite de certaines choses qui vont arriver. A moins que nous n'effectuions une avancée considérable dans le domaine des sources d'énergie, ce qui est toujours possible (c'est notre tendance à croire aux miracles), nous allons assister à des catastrophes humaines dans certaines parties du monde. Plus particulièrement dans au moins une zone. J'ai d'autres exemples en tête, mais l'île de Java, que j'ai visité l'été dernier, a aujourd'hui une population de plus de 80 millions de personnes. Ils connaissent des densités de population urbaines dans les campagnes. Actuellement, ils n'occupent pas toute la place disponible, mais une partie n'est pas utilisable par les hommes. Donc, une fois encore, à moins que l'on ne fasse des découvertes importantes en ce qui concerne les sources d'énergie et les sources de nourriture, une catastrophe humaine va se dérouler à cet endroit car ils ne font rien pour contrôler la croissance de leur population. Ils possèdent encore l'un des taux de croissance les plus élevés du monde. Maintenant, et restons prudent à ce sujet, s'ils doublent leur population d'ici à l'an 2000, leur terre ne pourra pas les supporter avec les sources d'énergie actuelles. Elle est tout juste capable de le faire actuellement. Ils sont donc très proche d'une catastrophe. Et je pense que le reste du monde sera impuissant face à ce problème. Nous ne pourrons pas tirer suffisamment de nourriture de ce pays, et même si nous le faisions, nous ne ferions qu'accroître le problème.


On le voit au travers de la BCO et de toute la culture qu'il a essayé de mettre en place...

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V : Pourquoi cela ?

 FH : Parce que la pression sur une société, la présence du danger, et notamment celui de la famine, tendent à faire croître la population. C'est une poussée vers la procréation.

 V : C'est ce qui s'est passé pendant les périodes de guerre.

 FH : Oui, nous sommes sortis d'une guerre avec une population plus importante que lorsque nous y sommes rentré, en dépit des pertes. Je prévois donc que Java va connaître un grave problème de surpopulation d'ici à 15 ans. Cela va se faire sentir dans le monde entier. Pas  simplement à cause de notre incapacité à traiter le problème, c'est à dire leur fournir de la nourriture, mais les gens vont commencer à regarder à l'intérieur de leurs propres sociétés. Toute la société va ausculter ses propres efforts. Je crois vraiment que ce que nous appelons "le changement des moralités", qui se traduit par l'utilisation du sexe en tant que plaisir plutôt que comme un moyen de procréation, n'est qu'une sorte de réaction sociale qui permet à la fois de limiter la population et de satisfaire nos besoins sexuels.

 V : C'est donc une évolution très rapide.

 FH : Oui, je le vois comme ça. Le Japon a su maîtriser la croissance de sa population. Je vois le même genre de choses arriver aux Etats-Unis. Je ne vois pas le même genre de choses arriver dans les pays musulmans ou en Amérique Latine. L'Amérique Latine est une autre zone que nous devons regarder de près car ils ont échoué à régler leur problème au moment où ils devaient le faire. S'ils ne limitent pas leur population ils devront trouver un autre moyen de régler ce problème.



La grande Dispersion est déjà en marche...:ace_suri_2002:



 
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V : Et le pouvoir disparaît rarement après cela.

 FH : Hé bien oui. Le pouvoir attire le pouvoir de telle manière que cela comprime les voies de développement.

 V : Et y a-t-il un moyen de s'en sortir ? Comment pourrions-nous élargir ces voies de développement ?

 FH : Hé bien si vous ne voulez pas vous retrouver avec une société chaotique, avec tout ce qui est inhérent à cela et qui ne constitue pas une réponse, vous avec besoin de chemins qui explorent les concepts les plus informels.

 V : Avez-vous une idée de la manière dont on pourrait faire cela ?

 FH : Cela se réalisait de différentes façons dans ce que nous appelons des "conditions primitives". L'ermite pouvait le faire. Mais nous nous éloignons du monde de l'ermite. Si un homme a l'idée qu'en découpant des morceaux dans un rondin d'arbre, en insérant des branches en leur milieu et en plaçant une charge sur ces branches - vous pourriez transporter une charge plus lourde, la déplacer où vous le désirez -, cet homme pourrait simplement se mettre à réaliser son idée. Mais notre société, dans son ensemble, a décidé que si nous laissons les physiciens construire les roues et tailler les rondins, alors le résultat peut être utilisé comme un instrument de pouvoir, et éventuellement servir à la guerre, voir à la destruction de la planète. A cet égard, je ne suis pas aussi inquiet à propos des armes atomiques que je le suis à propos de toute la structure qui peut les produire. Beaucoup plus dangereux pour notre société, je veux dire qui peut surgir de n'importe où, est la capacité d'un chimiste et d'un pharmacien travaillant dans un laboratoire, par exemple en Afrique du Sud, à produire un virus mutant qui se répandrait comme un feu de paille à travers le monde.


Tiens, on se croirait dans Dune...

 
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V : C'est vrai. Mais ne devons nous pas malgré tout trouver les moyens d'empêcher cela si nous  voulons survivre ?

 FH : Je pense que nous le faisons dans la mauvaise direction. Nous ne pensons qu'à contrôler de tels agissements, au lieu d'avoir une société mondiale où les gens n'auraient tout simplement pas envie de faire ce genre de chose, de détruire leurs semblables.

 V : Si nous pouvions apprendre comment faire cela, nous verrions la plupart des problèmes résolus.

 FH : Ce n'est pas une chose facile. Une partie de cela est la simple reconnaissance de l'humanité, du fait que tous les autres êtres humains sont comme moi. Vous savez, quand on y réfléchit, chaque société a sa manière de définir le mot humain. Nous pensons que nous savons ce qu'est un être humain. Je commence toujours mon cours par demander une définition de l'humain. Je ne dis pas homo sapiens. Je ne dis pas non plus que je veux une définition médicale ou physique. Je dis simplement, définissez-le. Et après quelques petits coups de coude ici et là, nous arrivons à mon idée que la plupart des sociétés définissent l'être humain ainsi : "comme moi". S'ils sont suffisamment comme moi, je laisserais ma fille en épouser un. S'ils ne sont pas comme moi, quelque part, cela veut dire qu'ils ne sont pas humain. Se sont des nègres, des ritals, des chinetoques. Tout le monde le sait, ils ne sont pas humains... pas totalement. Ou bien se sont de sales Indiens. Tout ce que vous avez à faire c'est de les regarder pour voir qu'ils ne sont pas comme moi. Ils ne ressentent pas les choses comme je les ressent. C'est pour cela que, si cela s'avère nécessaire, pour des raisons que je définis moi-même, en tuer quelques uns ne sera pas une perte pour le monde.


La solution FH : intéressant...à approfondir


 :ace_smiley252:  Filo, je viens de corriger les fautes du premier message...
L'espace et le temps sont les modes par lesquels nous pensons et non les conditions dans lesquelles nous vivons
Albert Einstein

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Interview de Frank Herbert
« Réponse #4 le: avril 14, 2005, 05:27:31 pm »
Pour réagir par rapport au temps de travail journalier peut on partager les écrivains en deux parties : ceux qui écrivent longuement sans pause comme dans une bulle et ceux qui s'arretent frequemment afin de recharger les batteries ou l'inspiration.

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  • Le smilblick est long, dur et a un bout rouge...
Interview de Frank Herbert
« Réponse #5 le: avril 14, 2005, 06:38:28 pm »
Citation de: "filo";p="16442"
est tout de même confondant vis à vis du sida, qui n'est apparu que 10 ans plus tard!

Merci beaucoup Leto!


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Interview de Frank Herbert
« Réponse #6 le: avril 15, 2005, 12:01:06 am »
Citation de: "Oreste Prichard";p="17451"
peut on partager les écrivains en deux parties : ceux qui écrivent longuement sans pause comme dans une bulle et ceux qui s'arretent frequemment afin de recharger les batteries ou l'inspiration.

Le cas de Frank Herbert n'est pas isolé. J'ai lu Stephen King qui expliquait sa méthode de travail, c'est la même: une demi-journée devant son clavier par jour pour sortir un certain quota, et le reste du temps: tranquille. Qu'il soit inspiré ou non, c'est son travail, il s'isole dans son bureau et préfère ne pas etre dérangé.
Ceux qui s'arrêtent fréquemment (comme moi) ne sont pas des pros et ne sont pas aussi productifs (en terme de volume bien sûr, la qualité ne saurait être remise en cause dans cette option, au contraire).
L'art est un travail ingrat,
mais il faut bien que quelqu'un le fasse.