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Vous et Dune : l'histoire !

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Il Barone:
Je suis né dans une famille qui aimait la lecture et la SF. Pourtant, je n'était pas un enfant accros aux livres. Mes parents avaient pourtant investis dans des livres fait pour la jeunesse, de la bibliothèque rose ou plus tard verte, qu'a de rare exceptions près que n'aimait pas lire. Le club des cinq, le clan des sept ne me touchaient pas avec leur fréquent appels au pathos. La pauvretés des énigmes proposée me désolaient au plus haut point. 

La seule exception s'appelait "Jules Verne" qui me captivait, mais je ne saurait pas dire pourquoi. Ces histoire pleines d'explications techniques données avec d'anciennes unités de mesures me paraissaient pourtant indigestes et le scénario de ces histoires pourtant très aventureuses plutôt classique et sans surprises. Pourtant la littérature de Jules Verne me réservait quelques bonnes surprises comme par exemple "Hector Servadac", "Robur-le-Conquérant" ou "Le Secret de Wilhelm Storitz". Bref, à l'exception de la totalité des romans de Jules Verne, je ne prenais aucun plaisir à la lecture et mon rapport avec la littérature aurait pu s'achever ainsi.

Jusqu'au jour ou adolescent je me blessait lors d'une séance de sport à l'école. Je devais rester à la maison pendant un mois et trouver un moyen de tromper mon ennui lors de ce confinement imposé. A l'époque l'offre audiovisuelle était loin d'être celle que l'on peut trouver aujourd'hui. Entre deux "aujourd'hui madame" et "petit conservatoire de la chanson" je décidais de faire l'état des lieux de ma bibliothèque. Un vieux Jack London que je n'avait pas lu et que je n'ai pas aimé me pousse vers d'autres cieux que je n'avais jamais visité : Les étagères de la bibliothèque de mes parents.

Ces étagères sont peuplées d'encyclopédies et autres livres sur la connaissance du monde (dont une encyclopédie très scientifique en 40 volumes sur le règne animal). Dans un coin éloigné des livres de poche aux couvertures tapageuses des collections "fleuve noir - Anticipation" ou "J'ai lu - Science fiction". Ce sont des livres plutôt destinés au adultes. Je demandais l'autorisation d'y piocher un roman pour essayer. Mon choix se portait sur un parfait représentant de la littérature Pulp à la française, plus communément appelé "roman de quai de gare" dans nos contrées. Les hommes marqués de Gilles Thomas, une histoire de mise en esclavage par des moyens technologiques qui fini avec l'apparition de surhumains. 

Et ce fut le choc ! J'avais enfin trouvé un type de roman qui m'intéressait. Un an et demi plus tard j'achevais le dernier livre de cette bibliothèque qui comprenait les plus grands auteurs français, Stephan Wull, Michel Jeury, Richard Bessière, Maurice Limat,... mais également le meilleur de l'age d'or américain Clifford D Simak, Philip Jose Farmer, A.E Van Vogt, Theodore Sturgon, Isaac Asimov,... Je ne savais pas encore faire la différence qualitative entre un récit se passant dans l'espace et un chef d’œuvre de la science-fiction, mais j'étais sans aucun doute devenu le principal consommateur de SF familial en demandant toujours plus. J'avais remplacé mes achats de comics par des romans (bon, avec encore quelques comics quand même). Je commençait également à attaquer le rayon fantasy de la bibliothèque parentale, moins fournit que celui de la SF, mais comprenant quand même quelques maîtres comme Tolkien ou Roger Zelazny. Nous étions en 1982 et ma mère, pour fêter mon anniversaire décide de me faire plaisir en m'offrant un livre déjà connu pour être l'un des chef d’œuvre de la science-fiction : DUNE de Frank Herbert  

Ils sont rares les livres que je n'ai pas fini et DUNE a failli être l'un d'entre eux. Au bout de quelques chapitres la scène du chercheur-tueur me fait fermer ce roman. La vie de Paul Atréides me semblait bien trop dangereuse. Cette tension palpable dans un récit qui commence avec l'épisode du Gom Jabbar, avait eu raison de mes nerfs. Je me sentais un peu trop proche du personnage principal (bien que plus vieux de deux ans) et je décidais que j'allais finir ma soirée de lecture avec un roman moins sombre. Je ne me rappelle plus quel roman je choisissais alors, mais d'un seul coup son histoire me semblait nettement moins bonne que celle que je venais de quitter. Moins bonne, mais nettement plus divertissante. Je finissait cette lecture tard dans la nuit avant de trouver un sommeil apaisé par un happy-end cosmique.

Le lendemain à l'heure de la lecture tardive, je regardais le pavé de Frank Herbert d'un œil torve. Il gisait au pied de mon lit attendant que je l'évacue vers une étagère poussiéreuse (je ne jette jamais un livre). Au bout de longues minutes d'observation, je me rend compte que je devrais redonner sa chance à ce roman qui pourtant semble cacher son histoire derrière une écriture retorse et des scènes nerveusement éprouvantes. Je retrouve l'endroit ou j'ai interrompu ma lecture et décide d'essayer de prendre du recul par rapport à l'histoire.

La narration se passe sur une scène de théâtre et je prend bien garde à n'être qu'un spectateur dans la salle, bien à l'abri dans mon fauteuil (ou plutôt ma couche). Sans le savoir, j'allais comprendre ce qui fait la qualité des œuvres de Shakespeare et de Frank Herbert. Ce moment ou l'auteur regardant le public, brise le quatrième mur pour lui délivrer un point de vue différent sur son histoire. Une dimension qui dépasse largement le cadre de la simple suite d'anecdotes. Qui dépasse les limites de la comédie humaine pour apporter un message à l'humanité. Pour Shakespeare c'est d'enseigner à l'individu les divers facettes de sa véritable nature. Pour Frank Herbert c'est un plan de sauvegarde à long terme pour le genre humain.

Depuis mes jeunes années, j'ai pris l'habitude de relire une fois par an au moins l'un des roman de la saga, comme une sorte de pèlerinage sur la planète Arrakis. Je compte aujourd'hui plus de 35 lectures du premier roman de la saga et plus d'une dizaine pour L'Empereur-Dieu de Dune (mon second roman préféré). A chaque lecture, je découvre toujours des choses nouvelles. Frank Herbert est un auteur qui bâti ses histoires entre les lignes. Le contenu n'est pas toujours écrit. Il place des indices pour ses lecteurs les plus fidèles ou perspicaces et les laisse suivre ceux-ci vers de nouvelles histoires intriquées dans son œuvre. Il fait partie des auteurs qui peuvent mentir à leur lecteurs. Simplement parce que les points de vue des personnages sont forcément biaisés et qu'il faudra chercher la vérité (les vérités) ailleurs.

Quand le lecteur accompagne Paul dans sa vengeance contre l'Empereur et les Harkonnen, il ne se rend pas compte qu'ainsi il met en place la plus grande tyrannie que le genre humain va subir. Pourtant il a bien pris le soin d'avertir les lecteurs que cet instant satisfaisant de "la vengeance" n'est pas seulement un épisode personnel. Qu'il a un impact bien plus large à l'échelle de l'humanité. Que l'éclairage de l'histoire est fourni par les gagnants. C'est les Atréides qui ont gagné ce combat final...

Je vous l'avais dit Frank Herbert est le digne héritier de Shakespeare. Je pense même que par de nombreux points il a dépassé son ancêtre.  

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