Chapitre 06

Démarré par Filo, Avril 15, 2004, 10:56:21 PM

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Filo

L'adaptation à un milieu est à la fois un art et une science.
Souvent, elle devient une nécessité de survie.

Coda Bene Gesserit


Marge se trouvait déjà à bord du long courrier qui allait quitter Wallach IX d?un moment à l?autre pour Arrakis. Elle était entourée de gens parmi les plus pauvres de diverses planètes. Ils avaient donné toutes leurs dernières économies à la Guilde pour avoir le droit de gagner Arrakis, leur dernier espoir.  S?ils parvenaient à se faire engager par les contremaîtres qui supervisaient la récolte d?épice pour l?Imperium, ils réussiraient enfin à assurer la subsistance et même un certain confort pour leur famille, qu'ils auraient pourtant peu de chances de revoir un jour. Un sacrifice courant en cette époque de nombreux remaniements politiques. Il ne se passait pas trois ans sans changements profonds de régime, aux niveaux les plus élevés même de l'Empire.

Marge, avec sa cape délabrée et son allure fragile, n?avait eu aucun mal à se fondre parmi eux. Il en serait de même avec ces Vagabonds Zensunni, qu?elle comptait bien observer quelque temps avant de les rejoindre. Elle avait le visage à moitié couvert par sa capuche et s?était mise un peu à l?écart du groupe des voyageurs. Elle avait endossé l?apparence d?un personnage sombre et mystique. Les voyageurs la regardaient avec crainte avant de détourner le regard, et c'était ce qu'elle voulait.
 
Lorsque tout ce monde fut enfin rentré, une voix rauque se fit entendre via un interphone, sans doute celle d?un représentant de la Guilde. Les voyageurs se turent tandis que la voix annonçait le départ du long courrier pour Arrakis. Quelques secondes après la fin du discours reprenant les règles de sécurité habituelles, le Guildien avait déjà pris le contrôle de l?énorme vaisseau et se concentrait pour plier l?espace. Toutes les personnes à bord ressentirent alors le frisson caractéristique, que peu semblaient connaître.
 
Peu de temps après la mise en orbite du long courrier, Marge et les voyageurs, heureux d?être si proches de leur but, prirent place dans une navette qui effectuait les aller-retours entre la plate-forme d?Arrakeen et les longs courriers en orbite. Ce trajet prit plus de temps que pour traverser les années-lumières qui séparent Wallach IX d?Arrakis.
 
Le débarquement se fit sans problème à la plate-forme. Marge, avec son unique petit sac suivit le groupe qui fut accueilli par une rangée de sardaukars tout harnachés. Le capitaine prit la parole :
- Je suis le capitaine Sandhor, chargé d?accueillir toute personne arrivant sur cette planète. J?ai été informé récemment de votre arrivée, et que vous proveniez de mondes différents et désiriez être engagés au service de l?Imperium en échange de logements et du minimum vital, ainsi que le salut matériel des familles que vous avez laissées. Sachez que celui-ci vous est acquis dès aujourd'hui (une clameur salua la nouvelle) ; je vous invite donc à nous suivre !
 
Tous les voyageurs suivirent le capitaine dans un murmure, entourés des autres sardaukars. Il les emmenait vers la cité d?Arrakeen, à travers le quartier Est, où tous les Zensunni affectés à cette région avaient été installés. Marge en reconnut quelques-uns, méfiants à la vue des sardaukars ils se retiraient dans les zones d?ombre comme pour devenir invisibles. En quelques jours seulement, ils avaient apparemment pris conscience de l?opposition entre la Guilde et l?Imperium ici représenté par l'armée. Marge garda précieusement ce détail dans sa mémoire qu?elle n?omettrait pas de mentionner dans son rapport à Odyle.
Passé ce quartier, ils arrivèrent au milieu de baraquements délabrés, rongés par les vents et le sable. Ces petits bâtiments avaient été construits il y avait fort longtemps, les toits et les murs s?effritaient, laissant apparaître parfois quelques trous.
Les voyageurs étaient déçus, ils s?attendaient à mieux. Mais après tout, cela était mieux que rien, ils avaient leur propre récompense sous les yeux et cela les soulageait tout de même.  
Marge quant à elle, savait ce qui l?attendait.  Ayant vécu quatre ans sur cette planète, elle avait eu le temps de visiter Arrakeen et d?en apprendre plus sur le désert, l?épice, et les vers.  
 
- Bien nous y voici, reprit le Capitaine, les baraquements seront vos logements, au bout de la ruelle se trouve un réservoir contenant l?eau dont vous aurez besoin. Vous avez tous droit à la même ration quotidienne. Veillez à ne pas la gaspiller, nos réserves ne sont pas inépuisables. Vous commencerez à récolter l?épice dès demain. Pour les volontaires qui désirent piloter, les anciens vous apprendront comment manipuler les chenilles. Aujourd?hui, nous vous laissons vous ? installer, dit narquoisement Sandhor en regardant leurs maigres bagages.
 
Ils devaient être environ une centaine. Ils seraient six par baraquement. Peu à peu, alors que les sardaukars quittaient le quartier, les voyageurs visitaient les lieux et choisissaient leur nouveau logement. Marge se retrouva avec quatre hommes et une seule autre femme. Mais peu importait, elle ne resterait ici qu?une semaine ou deux avant de s?infiltrer.
 
Son logement choisi, elle ne perdit pas de temps à faire connaissance avec ses colocataires. Elle sortit de son baraquement et se dirigea droit vers le quartier où étaient installés les Vagabonds tout en restant très discrète, selon son apprentissage chez les s?urs.  
 
Il n?était que le début de l?après-midi.  Elle savait qu?à cette heure, la plupart des Zensunni étaient occupés sur les chenilles de la Guide. Elle espérait pourtant tomber sur une femme ou l?autre, il devait bien rester quelqu?un dans ce quartier censé regrouper des milliers d?individus.
Elle longea les ruelles et finit par entendre un bruit d?eau. Bien sûr ! S?il reste des Vagabonds dans ce quartier, ils doivent venir au minimum une fois par jour au réservoir.  Il est préférable d?y aller pendant les heures de travail lorsqu?il n?y a pas encore de file !
Elle ne voyait pas le grand réservoir, d?où elle était, mais le devinait à quelques pas après un tournant sur sa droite. Elle se glissa dans un coin ombragé, remit sa capuche et ne fit plus aucun bruit, attendant que la prochaine personne remplissant son réservoir d?eau personnel passe devant elle. Elle entendit des chuchotements, des voix féminines ? deux.  Les voix se firent plus fortes, deux femmes se rapprochaient.
 
- Jacur notre naib nous avait promis la liberté sur ce monde et regarde donc nos conditions de vie! Nous étions encore mieux sur Ishia, là bas nous avions des abris plus solides que ces tentes dérisoires. Et cette eau que nous donne la Guilde, tu penses vraiment que nous en aurons pour tous avec ces rations quotidiennes ?
- Nous avons promis à la Guilde de lui reverser de l?épice en échange de notre liberté et nous devons honorer notre parole. Je n?aime pas plus que toi cet endroit et encore moins me sentir cernée par les sardaukars de l?Empereur. Quant à l?eau, nous le savons tous, nous devons employer des mesures draconiennes pour la préserver. Nous sommes déjà mieux lotis que ces citadins qui travaillent pour l'Empereur : leur système de rationnement est moins avantageux que le nôtre. Mais tu as entendu Jacur comme moi : avec l?aide des Entio, nous ne resterons pas longtemps dans cette cité. Dès qu?ils auront trouvé une solution à nos problèmes d?eau, nous deviendrons des nomades du désert, allant là où l?épice se trouve. Nous pourrons ainsi continuer à verser l?épice que la Guilde réclame tout en restant libre de choisir la manière dont nous voulons vivre.
- Je ne me vois pas vivre à découvert dans ce désert.
 
Les deux femmes avaient un teint basané, leur corps était marqué par leur vie passée sur la rude Ishia. Marge les avait suivies en se faufilant sans bruit entre les tentes durant leur brève conversation. Elle en avait assez entendu pour avoir de quoi faire un rapport assez complet à Odyle et décida de rebrousser chemin vers son propre refuge.
Le lendemain, elle apprendrait avec les nouvelles recrues de l?Imperium à extraire l?épice des sables. Cela lui serait utile lorsqu?elle devrait vivre comme une Zensunni.

L'art est un travail ingrat,
mais il faut bien que quelqu'un le fasse.