Dune relève également du Bildungsroman. On suit le développement d'un personnage dont le caractère et la stature va s'affermir et changer au fil des épreuves.
l'image en mirroir la plus simple, et celle lors de la scène du duel final, lorsqu'il prend l'ascendant sur la RM Mohiam.
« Je me souviens de votre gom jabbar, dit Paul. N’oubliez pas le mien. D’un mot, je peux vous tuer. »
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sur le ton : "vieille peau, tu vas prendre cher de chez ta race"
Dans le texte à quelques endroits, Frank Herbert laisse Paul passer pour ce qu'il est - un ado de 15 ans - qui se comporte en tant que tel (il fait semblant de dormir, ne prend pas la situation au sérieux, fait preuve de naïveté déplacée), mais l'auteur montre bien que l'héritier n'est pas d'âme bohème: il est instruit et capable. Et ce en combat et en gouvernance.
La confusion, songea Paul. Cela s’achève dans la confusion. Ses yeux ne quittaient pas les dos des hommes qui s’éloignaient. Auparavant, les réunions s’étaient toujours terminées dans une atmosphère de décision mais celle-ci semblait s’être effritée, usée par ses propres insuffisances. Et, pour la première fois, Paul se permit de songer à la possibilité d’une défaite. Et cela ne venait pas de la peur qu’il aurait pu éprouver ni des avertissements, comme celui de la Révérende Mère. Il affrontait simplement cette idée, ayant estimé de lui-même la situation.
Mon père est désespéré, se dit-il. Les choses ne tournent pas bien du tout pour nous.
Le concept de 'white saviourism' datant des années 2010, Frank Herbert ne sait pas qu'il en fait (comme M. Jourdain ne sait pas qu'il fait de la prose), et ce qui sauve son texte de ce trope, c'est le filtre de lecture du texte - même sans les second et le troisième romans. Sans cette substance, sans le paradigme herbertien dont le texte est imbibé, Dune relèverait du pur 'white savior' : "un jeune prince vertueux est victime d'une machination sur une planète hostile et se retrouve dépossédé de tout. Isolé, il est recueillit par une tribu locale qui le confond avec un Messie annoncé par leur religion. Grâce à ses talents étranges il arrive non seulement à devenir leur chef, mais aussi à engrosser la fille d'un de leur leader tout en fédérant la population autochtone de la planète en devenant leur Messie. Finalement, il triomphe en prenant sa revanche en retournant ce peuple opprimé contre ses oppresseurs."
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Dune hors-contexte
Pour en revenir à Paul comme héros, c'est en effet ce qu'il est condamné à devenir dans Dune. Héros Martyr ou Héros Empereur, ce centiment de 'terrible but' lui colle au talon tout au long du texte ("terrible purpose" revient une 20aine de fois). C'est comme une aura sombre qui rayonne autour de sa personne.
C’est le moment décisif, se dit Paul. A partir d’ici, l’avenir s’ouvre, les nuages s’écartent pour livrer passage à une sorte de jour glorieux. Si je meurs, ils diront que je me suis sacrifié afin que mon esprit les guide. Si je vis, ils décideront que rien ne peut s’opposer à Muad’Dib.
Pour être un anti-héros, à mon sens, Paul devrait quelque part être un personnage et/ou :
- ordinaire vivant une vie ordinaire dans un cadre ordinaire.
- non prédisposé se retoruvant plongé dans une situation extraordinaire.
- dépourvu de qualités « héroïques » et porteur de valeurs anti-héroïques.
- décevant en perdant ou faisant un mauvais usage de ses qualités.
c'est peut-être ce que Brian Herbert et Kevin J. Anderson on tenter de faire avec via leurs écrits: rendre les personnages plus ordinaires. Mais je ne pense pas que Frank Herbert ait voulu cela. Son héros est sombre, certes, et il va devenir un anti-héros du fait de son 'but terrible'. Mais cette transformation ne s'effectue à mon sens que plus tard, même si - et heureusement pour la cohérence du texte - les signes avant-coureurs balisent le texte du premier roman.
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mate un peu la fourrure de boloss, si ça c'est pas de l’étoffe de héros...