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Dune: préface de Pierre Versins

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Ghanima:
Le texte qui va suivre est en fait la préface que Pierre Versins à rédigé dans sa collection de livres "les chefs-d'oeuvre de la science fiction". Collection qui a été rassemblée dans les années 70. (et si je fais des fautes de frappe, dsl, je regarde pas mon écran.... :D )



De là, nous passons à l'une des plus grandioses épopées que l'imagination ait pu rêver. Le lieu: Arrakis, une planète exceptionnelle dont je parlerai un peu plus en détail pour présenter le volume suivant. L'époque: un avenir assez lointain, dans quelque huit mille ans, pour qu'une civilisation galactique ait pu s'instaurer à partir de la conquête de l'espace par les hommes. L'action: politique, religieuse, économique, humaine, la lutte pour le pouvoir, la menace d'une décadence...


Frank Herbert, écrivain américain, est né en 1920 et a fait tardivement ses débuts en science fiction, au mois d'avril 1952. Parmi les nombreux métiers qui l'ont occupé et ont enrichi sa vision du monde avant qu'il ne se lance dans la carrière d'auteur professionnel (il a surtout été journaliste, notons-le), un est en rapport direct avec ce roman-ci et lui a permis sans doute d'en rendre les bases solides: il a, en effet, enseigné à des soldats les moyens de survivre en pleine jungle. On verra, en lisant Dune, l'importance de ceci.
On lui doit une trentaine de nouvelles, surtout longues, et une dizaine de romans jusqu'à ce jour: "Under Pressure" (1955-1956), devenu en volume tantôt "The dragon in the Sea", tantôt "21st Century Sub", traduit récemment sous le titre de "Le Monstre sous la Mer"; "Dune" et sa suite "The Prophet of Dune" qui composent le présent volume, publiés originellement en 1963-1964 et 1965; "Greenslaves" (1965), devenu "The Green Brain"; "Do I wake or dream ?" (1965) devenu "Destination: Void"; "Heisenberg's Eyes" (1966) devenu "The Eyes of Heisenberg; "The Heaven Makers" (1967); "Santaroga Barrier" (1967-1968) devenu "The Santaroga Barrier", "Le Messie de Dune" (1969), suite -et fin?- de Dune et dont la publication va suivre ce premier volume, bien entendu; l'Etoile et le Fouet (1970) qui appartient aussi à cette sélection, et enfin "Projet 40 (1972-1973), que l'on trouvera en français dans les N°125 à 129 de "Galaxie" 2e Série, octobre 1974 - février 1975.


"Les savants cherchent les lois des événements. Le rôle de la Religion est de découvrir la place de l'homme dans cette légalité." Ceci est une citation extraite du début des Commentaires à la Bible Catholique Orange mentionnés par Frank Herbert au deuxième appendice de ce roman, consacré à la religion de Dune, surnom particulièrement éloquent de la planète Arrakis. Ce pourrait être un résumé tout à fait lapidaire des presque huit cents pages que représentent "Dune et "Le Messie de Dune".
Il est de fait que la religion tient dans ce roman une place prépondérante, orppressante même, au grand étonnement des Français, peu habitués au foisonnement des sectes qui recouvrent littéralement les Etats-Unis. En Suisse, lorsqu'on est quelque peu informé, l'étonnement est moindre. Pourtant, une dictature future ainsi basée ne nous viendrait tout bonnement pas à l'esprit, qui nous avons bien peu saint depuis le XVIIIe siècle, il faut l'avouer. L'Encyclopédie puis la Révolution nous l'ont singulirement rétréci, et nous avons perdu du même coup un certain sens du mystère qui fleurit, par contre, outrageusement en Amérique.
Ce n'est certes pas la première fois que se liguent science, religion et politique dans un roman de science fiction. De célèbres écrivains comme Robert Heintein dans "Si ça continue..." (1940) ou Fritz Leiber "A l'Aube des Ténèbres" (1943), ou encore Walter M.Miller Jr. dans "un Cantique pour Leibowitz" (1955-1957), ont , chacun à sa façon, présenté des théocraties futures plus ou moins convaincantes et dans des buts divers. Le plus proche ouvrage de celui qui nous occupe maintenant, au point de vue thématique, serait peut-être The World Jones made, roman de Philip K. Dick paru en 1956, au cours duquel une expèce de nouvelle Eglise s'instaure sur les pas d'un homme, Jones, qui possède la faculté de "voir" l'avenir, à quelques jours de distance. Paul Atréides, l'imperator de Dune, aura la même capacité, mais d'une façon plus compliquée et plus réaliste (?) à la fois puisque ce ne sera jamais vraiment le futur qu'il verra mais ses diverses possibilités inextricablement mêlées, au point qu'en lui l'angoisse naîtra, plus forte que s'il ignorait ces lendemains divergents.
Religion, fanatisme, violence... Petite idée de la chose: Paul Atréides, devenu l'Empereur Muad'Dib et régnant sur la Galaxie entière à la suite d'une sorte de croisade, la Jihad, dont il est à la fois l'instigateur réticent et le Dieu vivant, évoque un instant les victimes des guerres antiques (Gengis Khan: quatre millions de morts, peut-être... Hitler: six millions environ). Et il continue:
"D'après une estimation statistique modérée, je dois avoir tué soixante et un milliards de personnes, stérilisé quatre-vingt-dix planètes et totalement démoralisé cinq cents autres."
Ce qui donne une notion de l'immensité de ce théâtre, mais quoi ? Soixante et un milliards de morts, qu'est-ce que cela pourrait signifier ? Pour l'Empereur d'abord, qui passe très bite à un autre sujet, pour nous ensuite et surtout...
Un, deux, beaucoup, c'est tout. Frank Herbert nous ramène, nous, ses lecteurs, au niveau des aborigènes australiens. Et comme il nous donne, ce faisant, bonne conscince! Je me demandesi, pour les lecteurs de Lucien de Samosate, la guerre intermlanétaire qu'il décrivit dans son "Histoire véritable" au IIe siècle de notre ére avait une saveur comparable.


Ces empires galactiques, tout de même!...
Il y a eu Trantor. Une planète entièrement recouverte de bâtiments et monuments et qui servait de capitale à la Galaxie explorée au début de "Fondation" (Isaac Asimov, 1942). Une fameuse épopée, qui s'étale sur mille ans, grandeur et décadence, émiettement, féodalité, puis l'imprévu, un conquérant fou qui n'accepte que ses propres règles et met la pagaïe dans ce qui était un plan génial de reprise en mains. Car la psycho-histoire (une science nouvelle, dont vous n'avez jamais entendu parler en classe, associant l'Histoire, la psychologie de masse et les mathématiques, tout spécialement la statistique), la psycho-histoire avait prévu ce qui se produirait lorsque l'Empire atteindrait une certaine taille, la masse critique sociale, en quelque sorte... La belle affaire... l'Empire romain s'est écroulé pour les mêmes raisons. Mais elle avait aussi, la psycho-histoire - et ceci est neuf - préparé les voies à un avenir pas trop trop catastrophique.
C'est bien curieux, la science fiction. Pour que des empires galactiques puissent se constituer et perdurer, il faut que les communications y soient faciles et rapides. C'est ainsi qu'on dépasse, de loin de très loin, la vitesse de la lumière et que le tour est joué. Il ne vient que trop rarement à l'exprit des auteurs que les étoiles, nous ne les voyons jamais où elles sont. A cause, précisément, de la vitesse de la lumière. Le panorama du ciel est faux. Compliqué? non, très simple au contraire: une étoile située à dix années-lumière de la Terre a eu très exactement dix ans pour changer de place - et soyez assurés qu'elle n'y manque pas - quelle que soit sa vitesse (car tout bouge, autour de nous, vous l'aviez remarqué? et les corps stellaires ne font pas exception à la règle) et quelle que soit sa direction... évidemment, si elle s'éloigne ou se rapproche de nous en droite ligne, cas particulier, elle sera toujours vue au même endroit du ciel mais mais ne sera pas pour autant au même endroit de l'expace. Ah! ces apparences...
Oui, d'accord, en définitive ce n'est pas si simple. et ce l'est encore moins quand on envisage de les relier, ces divers systèmes stellaires, par des lignes régulières d'astronefs. Une image, simple celle-là vraiment, du moins je l'espère: supposez que, dans Paris, les monuments historiques, l'Arc de Triomphe de l'Etoile, le Panthéon, Notre-Dame, les Invalides, l'Opéra, le Sacré-Coeur pas beau, l'Echangeur de la Chapelle, etc., gravitent à des vitesses diverses auteur du Louvre. Vous y êtes? Et maintenant, vous êtes chauffeur d'autobus à la R.A.T.P. et devez tenir l'horaire (rien que ça, c'est déjà une belle anticipation). Pour ne rien dire de la simple nécessité où vous vous trouvez, disons, d'amener votre autobus du Panthéon au Sacré-Coeur, pas plus beau que naguère mais toujours amovible.
Ah ?
Dans Dune, Frank Herbert a tenu compte de cet impératif de la mécanique stellaire. La Guilde spatiale utilise l'Epice, comme Paul Atréides, pour voir l'avenir, ou du moins ce qu'on en peut tirer de l'enchevêtrement de tous les possibles qu'offre le futur à partir d'une situation donnée. Ainsi seulement les astronautes peuvent-ils prévoir l'emplacement du but qui leur est assigné, emplacement à venir d'une étoile au moment où ils en quittent une autre, et prévoir tous les obstacles, à venir aussi. Astucieux, n'est-il pas vrai ?


Aussi allons-nous un peu nous entretenir de l'Epice car, en fin de compte, l'épopée de Frank Herbert ne se conçoit pas sans elle. Le gramme en coûte jusqu'à 62000 solaris, sur le marché impérial, c'est dire. On ne la trouve que sur Arrakis. C'est un fongoïde dû au mélange d'eau et des excrétion d'un hybride mi-plante mi-animal, appelé le Petit Faiseur, et c'est pourquoi on lui donne aussi le nom de Mélange. Elle a d'abord des qualités gériatriques, c'est-à-dire que son ingestion à dose modérée plogone un peu la vie. Par ailleurs, on l'utilise - on: le Bene Gesserit, la Guilde spatiale et Muad'Dib surtout - pour "voir" des tas d'avenirs, dont bien sûr un seul sera le bon et c'est là-dessus que tout se joue. Savoir n'est pas forcément pouvoir.
C'est peut-être même être plus impuissant encore devatn le Destin. Ce n'est pas pour rien que l'Empereur descend de la dynastie des Atréides. Une lettre en moins, et vous avez les Atrides, que cela vous rappelle quelque chose ou non. A moi, cela rappelle Agamemmon et Ménalas plus qu'Atrée, vous savez? ce roi de Mycène légendaire qui fit déguster à Thyeste, son frère abominé, ses enfants rôtis à point. N'allons pas plus loin: Paul Atréides n'a tué que soixante et un milliards d'êtres humains qui n'étaient pas de sa famille et voir plus haut.
Et voir ailleurs aussi, son volume suivant.

Dragon_des_Sables:
Merci Ghani pour cet article !  :D

Ah voilà un article qui fait honneur à Dune même si par moment c'est ironique à souhait... Il trouve ça "astucieux", les voyages spatiaux...mais c'est un compliment ou pas ?  :?:

Enfin, il faut souligner que le gars ne savait pas qu'il y aurait d'autres suites de Dune, qui éclairerait encore plus le lecteur, ou mieux, à s'interroger sur tout et n'importe quoi...

Mais l'article a un aspect beaucoup plus positif que celui de Pons, que nous avait donné filo !

Ghanima:
Effectivement, il m'a beaucoup plu cet article, comme toutes les autres préface de cet homme d'ailleur.... (je suis en train de lire toute la collection en fait :D )

je n'ai pas encore lu celui qu'il a fait sur le messie, mais je le rajouterai aujourd'hui ou demain, quand j'aurai le temps...

Otheym-al'fedaykin:
Ah oui...il mélange un peu tout..c'est amusant !

Mais effectivement c'est un excellent préface ^^

Dragon_des_Sables:
Il mélange des unités de lieux, de temps et de n'importe quoi comme Frank herbert a eu l'habitude de le faire dans les Hérétiques et la Maison des Mères, je trouve...c'est assez intéressant...

(Et il trouve le Sacré Coeur moche ! je me demande ce qu'il doit dire du centre Georges Pompidou maintenant ^^)

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