Chapitre 07

Démarré par Filo, Avril 17, 2004, 04:20:59 PM

« précédent - suivant »

Filo

Le destin est écrit dans le vent
Et personne ne peut prévoir
Quand le vent va changer

Grand livre de la sagesse perdue

 
 
Les rayons jaunâtres du second soleil descendaient lentement à l?horizon. Le  soir tombait sur le domaine de la maison mineure Lithanian. Une planète secondaire, terres de chasse, et vivant du commerce de l?ivoire Bochan, prisé dans des millions de mondes par les artisans et les nobles pour son élégance et son contact.  
 
Zylves traversait rapidement l?atrium de la demeure ancestrale des Lithanian. Sans le moindre regard pour le bassin où nageaient des poissons exotiques, ni pour les statues de marbre des illustres ancêtres familiaux. Il avait revêtu à la hâte son uniforme noir aux coutures dorées, paré des seuls insignes de la Maison, un tigre Bochan doré en position d?attaque. Son regard bleu trahissait son irritation. Les convocations inopinées du Vicomte se faisaient de plus en plus fréquentes. Comme si l?opinion de son maître d?arme pouvait être importante pour ce serpent imbu de lui même. Il se pressa devant la porte de la grande salle d?audience, et deux gardes en livrée se mirent au garde à vous avant de lui ouvrir la double porte.
Il lui fallut encore quelques pas pour atteindre le centre de la salle en marbre vert, où se tenaient les trônes du Vicomte et de son fils. Les deux hommes avaient les cheveux du même blond et les yeux du même vert. La ressemblance s?arrêtait la. Le vicomte avait les traits anguleux et durs, un nez crochu et un regard perçant. Son fils, Ildar, du haut de ses vingt ans arborait le visage doux de sa mère, affichant en permanence un air blasé, sous ses longs cheveux. Toutes les tentatives de son père pour l?inciter à s?investir dans la politique de sa maison s?étaient soldées aux mieux par des demi-échecs. Le jeune héritier ne faisait pas mystère de son hostilité envers les velléités grandiloquentes de son géniteur.
Le vicomte Aziel Lithanian congédia son chambellan d?un geste rapide de la main, puis toisa son maître d?armes qui le saluait respectueusement. Quand ce dernier releva la tête il lança de sa voix cassante :
- Zylves Thira, nous avons à vous confier une mission qui vous changera de l?entraînement de notre brillante garnison.
- Je vous écoute mon seigneur, répondit-il en espérant que son ton contenait suffisamment de soumission pour plaire au Vicomte.
- Depuis des mois nous envoyons de dévoués travailleurs au service de l?empereur sur ce bout de roche couvert de sable?comment? ?
- Arrakis, père, intervint Ildar.
- Arrakis. Et ces hommes nous ont fait parvenir divers rapports sur la situation là bas. Nous y avons vu pour notre maison une opportunité sans précédent.
- Sans précédent ? Vraiment père ? Il me semble avoir entendu la même chose lors de la révolte sur Wallach?Coupa son fils.
Le vicomte se tourna vers lui et lui asséna une gifle retentissante avant de revenir dans sa position initiale. Ça recommence, pensa Zylves, pourquoi doit-il toujours faire étalage de sa discipline familiale ? Il ne sortira à nouveau rien de cet entrevue.
- L?épice, reprit le maître de la maison Lithanian, l?Empereur et la Guilde se la disputent comme des chiens pour un os.  
Zylves s?imagina un instant se lancer à l?assaut des légions de sardaukars stationnées sur Arrakis, à cause d?un délire de son vicomte. Il réprima un frisson.
- L?exploitation de la planète est essentielle pour l?Imperium. Imaginez un instant que le Landsraad décide que l?Empereur n?est pas à même d?assurer le flot de l?épice. À coup-sûr son monopole d?exploitation serait démantelé au profit de maisons compétentes.
- Et bien sûr il est évident que notre maison tellement douée dans la production de manches de sabres en ivoire sera la première à se voir attribuer une mission d?extraction, dit Ildar, sur son habituel ton sarcastique.
Une seconde gifle claqua dans le silence de la salle d?audience.
Quand le Vicomte reprit la parole, sa voix était froide et tranchante.
- Vous allez vous rendre sur Arrakis pour organiser une exploitation irrégulière où vous commercialiserez l'épice, et ce le plus discrètement, cela va sans dire.  
- Moi mon seigneur, répondit Zylves interloqué, un contrebandier ? Mais, qu?adviendra-t-il de mes tâches courantes ?
- L?entraînement de nos troupes sera confié aux officiers, et les ressources que nous apporteront votre mission nous permettront de pallier autrement à votre absence.
L?idée du vicomte Lithanian commençait à faire jour dans l?esprit du maître d?armes?
- Mais les stocks d?épice sont interdits par la loi impériale?
- Il ne sera pas question de le stocker, mon cher, répondit laconiquement le vieil homme perché sur son trône avec un sourire.
À nouveau on ne lui confiait rien des plans. La philosophie de la maison était clairement «moins on en sait, moins on risque de parler». D?une certaine façon, l?idée de devoir devenir illégalement un prospecteur de mélange l?horrifiait encore plus que de combattre les sardaukars. Mais il était le maître d?armes de la maison Lithanian depuis des années déjà, malgré sa jeunesse relative. Et les paroles du Vicomte faisaient loi.
- Vous trouverez dans vos quartiers toutes les informations dont vous aurez besoin. Installez sur Arrakis une base discrète, et vos premiers clients vous trouveront d?eux même. Vous avez six mois standard, et tous les crédits qui vous seront nécessaires.
- Mais ?
- Le transporteur de la guilde arrivera en orbite demain, coupa Aziel, votre navette décolle à l?aube. Vous pouvez disposer.
Zylves déglutit péniblement, salua, puis tourna les talons et se dirigea vers la sortie.  
- Et bonne chance, lança la voix moqueuse de l?héritier  dont la joue n?avait même pas rougi.
 
  Le lendemain matin, il serrait dans sa main gauche son seul bagage, en attendant l?arrivée de la navette de transit. Il avait passé la nuit à compulser les données mises à sa disposition, et il mettrait la durée du voyage à profit pour faire de même. Les relevés météo l?avaient particulièrement désespéré. Aussi il goûtait une dernière fois au vent frais chargé du parfum des forêts. Les pans de son simple manteau noir dépourvu de signe distinctif voletèrent autour de lui quand la navette atterri à quelques pas. Résolu, il embarqua, s?installa a coté d?un gros négociant d?ivoire et fit signe au pilote qu?il était le seul passager à embarquer ici. Les suspenseurs de la navette se remirent en route, faisant gémir la carlingue, puis les propulseurs s?allumèrent.

Il y eut encore quelques arrêts avant que le pilote n?annonce enfin qu?ils allaient gagner le transporteur de la Guilde. La navette s?engagea dans un cargo qui lui même s?amarra dans un des titanesque dock du long-courrier.
Zylves ne pouvait pas se départir d?une désagréable sensation de gigogne. Il quitta rapidement la navette pour s?installer dans une des salles privées mise à la disposition des passagers aisés du cargo, et se replongea dans ses documents codés. Il ne sentit même pas l?imposant vaisseau se mettre en mouvement. Il s?efforçait juste de ne pas penser à ce qu?il laissait derrière lui.
Il consulta les plans sommaires et les listes de noms, s?intéressa aux nomades Zensunni, lut et relut les protocoles de rationnement de l?eau et surtout les rapports sur les modes d?extraction.
Un shéma d?organisation commençait à poindre dans ses pensées, il avait besoin d?une poignée d?hommes, de matériel, et surtout d?une cachette.  

Le voyage dura plusieurs jours en raison des nombreuses escales du long courrier. Quand il pu contempler Arrakis par la baie de transparacier de sa cabine, il cherchait futilement un nom à la bande qu?il allait devoir créer.

L'art est un travail ingrat,
mais il faut bien que quelqu'un le fasse.