Dans l'absolu, "compléter" ou plutôt "achever" l'oeuvre d'un maître n'est pas toujours synonyme de trahison.
Le
Requiem de Mozart a été achevé par son élève Süssmayr, sans que les rajouts choquent grand monde (à part des débats de puristes).
La plupart des grands maîtres florentins du Quattrocento n'hésitaient pas à recourir aux petites mains de leurs ateliers, se contentant de dessiner de grandes lignes et de mettre la touche finale à leurs fresques. En littérature, comme en philosophie, combien d'écrits n'ont échappé à l'oubli qu'à la faveur d'un disciple zélé ?
Pour prendre l'exemple des littératures de l'imaginaire, il est de notoriété publique que certains textes de Lovecraft se trouvent si intimement maillés avec les écrits des disciples du misanthrope de Providence, qu'il aura fallu des années d'analyse génétique des textes et des thèses entières pour en débrouiller l'inextricable écheveau.
Plus proche de nous encore, voyez la manière dont
Christopher Tolkien a géré son héritage et comparez. Comparez ce qu'à fait le
Tolkien Estate et l'
Herbert Properties llc.. En apparence, 2 entreprises qui ont fait feu de tout bois pour faire fructifier l'héritage paternel. Des sorties régulières d'inédits, une gestion tous azimuths des produits dérivés, une même attention jalouse à préserver le "patrimoine" familial de toute violation du copyright.
Mais l'analogie s'arrête là. Si Christopher Tolkien a publié une masse considérable de notes et de manuscrits laissés par son père, il ne s'est pourtant jamais cru autorisé à en prostituer l'intégrité en prétendant la parasiter de ses propres élucubrations. Il s'est, tout au contraire, toujours astreint à un respect scrupuleux des textes :quand les notes montraient des dissemblances telles qu'elles ne souffraient aucune mise en ordre logique, il les éditait en l'état, se contentant de les encadrer par un apparat de notes contextuelles. Et quand la chose était possible et souhaitable, il se permettait quelques manipulations mineures (et encadrées) pour offrir un récit cohérent. Mais guère plus !
Comparez cette pieuse dévotion filiale avec la
Planète de l'Épice, cette sombre chose signée KJA et où on est bien mal en peine d'y retrouver un quelconque reflet de la patine du maître. Et pour cause ! Cette attribution est scandaleuse, elle tient de l'escroquerie intellectuelle, une manipulation éhontée, une abomination rare ! Non content de devoyer l'héritage moral de son père, Brian Herbert et son acolyte, ont tout simplement créé un faux. Ce n'est pas du Frank Herbert. C'est un travail de faussaire. Et nous comptons bien à l'avenir apporter les preuves de cette accusation. Car de toute évidence, rien de ce qui transpire des archives de Fullerton ne ressemble à cette odieuse mascarade. Que dire alors de ces "providentielles" notes apparues miraculeusement pour permettre le 'grand finale' de Grunters et Sadworms !
BH n'achève ni ne complète l'oeuvre de son père. Comme il l'avoue lui-même dans son
autobiographie
Dreamers of Dune, il n'est venu à Dune que sur le tard et avec réticence, ayant vite refermé l'exemplaire que lui avait offert son père. Il n'a rien d'un disciple. Sa filiation avec FH est biologique mais en rien intellectuelle. Il n'a pas suivi les mêmes études, ne manifestait pas les mêmes goûts littéraires ni la même curiosité pour les enjeux sociétaux et scientifiques.
Dès lors, incapable de s'inscrire dans les pas de son père, comme le ferait un fidèle et modeste continuateur (tel un Süssmayr épousant le phrasé musical de Mozart ou Derleth mimant à merveille l'effroi d'HPL), Brian Herbert s'est tout simplement substitué à son père. Il en a usurpé l'état-civil même si en mauvais comédien qu'il était il n'a pas su faire illusion. Espérons qu'il n'aura pas réussi également à lui ternir durablement sa réputation.
Herbert peignait ses romans, par touches allusives, par petits détails insignifiants qui prenaient soudain une importance démesurée au cours de l'intrigue. Comme la vie d'ailleurs, elle qui n'est faite que d'accidents et d'étranges hasards.
Le tacheron lui, pense tout savoir. Il ne crée pas un univers : il le ferme. C'est un FAN au mauvais sens du terme : il veut explorer les arrières-mondes, les ethnographier, mettre de jolies bornes et recenser tout le monde. C'est le détail pour le détail. Il n'y cherche même pas de la symbolique (le micro empreinte du macro). Non, il veut juste en faire l'inventaire comme un huissier. Mais, à la vérité, il n'y comprend rien. Il est comme le missionnaire qui va "sauver les sauvages de la damnation". C'est le colonisateur qui va civiliser le barbare, l'ethnologue qui va étudier l'arriéré et mesurer la circonférence de sa boîte cranienne. Il ne cherche pas à comprendre cet univers. Il ne se laisse pas envahir par sa poésie. Il ne se trouble pas devant les vertiges de ses aphorismes. Il ne s'émeut pas de la tragédie qui frappe ses personnages. Non, il se contente de poser son fil à plomb et de tracer des lignes. Ses lignes. Ses lignes de fuite. Un peu comme une araignée goulue, il laisse encore le cadavre en apparence intact, mais à l'intérieur il a déjà déposé ses sucs, il ne lui reste plus qu'à vampiriser ce cadavre froid de la littérature. Le contexte ...