L'Univers de Dune > Cycle de Dune par Frank Herbert

Paul Muad'Dib est il un héros ou un antihéros ?

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c3rb3ru5:
A la sortie du deuxième volet de Dune au cinéma, je me suis questionné sur mes souvenirs du roman de F.H. par ce que j'ai ressenti tout au long du film concernant le traitement du personnage de Paul Muad'Dib par Villeneuve. Pour ma part j'ai toujours apprécié ce personnage par rapport à tout ce qu'il a du endurer, traverser et les décisions qu'il a du prendre. Alors oui clairement c'est un personnage auquel on s'attache et que peut être d'une certaine manière on voit comme un héros malgré une part sombre qui se révèle, des décisions lourdes de conséquences pour l'avenir.

Or Villeneuve m'a semblé vouloir le dépeindre non pas comme un héros mais comme un antihéros. Villeneuve défend son parti pris en révélant au travers d'une réponse qu'il donne à une question dans une interview (pour allociné je crois) que F.H. n'était pas très content de voir que les gens voyaient en Paul un héros alors que pour lui il avait tout de l'antihéros. J'ai presque envie de dire que si l'auteur lui même définit le personnage de Paul comme un antihéros, bah ok la discussion s'arrête là. Non ?

Je m'arrête un instant sur ce que sont héros et antihéros. Je suis capable définir ce qu'ils sont de manière assez simpliste et donc je vais me baser sur une source un peu plus pointue que moi, wikipedia.
Un héros est une personne ayant avant tout de bonnes qualités: elle poursuit un but noble, combat le mal, est généreuse, idéaliste, courageuse, forte, attirante et intelligente.
L'antihéros est une personne ayant aussi ddes qualités négatives : plaisirs superficiels, docile, lâche, égoïste ou même cruel. L'antihéros est plus complexe et ambiguë que le héros qui va toujours choisir le camp du bien.

On remarquera assez vite que Paul coche toutes les cases du héros, les seuls traits de l'antihéros qu'il prend c'est peut être la cruauté (dont il fera preuve au travers de la Guerre Sainte) et la complexité de sa personnalité. Une complexité du au fait qu'il partage une partie des gènes des atréides avec ceux des Harkonnen, peut être aussi par l'interférence du programme Bene Gesserit, et par la formation qu'il reçoit de sa mère, tout en étant éduqué et entraîné à réfléchir et agir comme un Atréides par son père et son entourage.

Est-ce que ça fait vraiment de lui un antihéros ? Pour le coup le personnage qui pour moi se rapproche le plus de l'anti héros c'est son fils qui deviendra l'Empereur ver.
Pour moi Paul ne fait que répondre à une situation, une crise par la seule chose qu'il puisse faire et qu'il est forcé de suivre. Si les autres maisons avaient reconnu son accession au trône, pas de guerre sainte et peut être une période de prospérité, de paix etc. On peut aussi penser qu'il aurait pu contraindre l'empereur à négocier (les atomiques sur les réserves d'Epice) et donner aux Fremen le contrôle d'Arrakis quitte a abandonner son titre de Duc et s'en retourner avec Chani dans son Sietch.

Bref, autant j'accepte bien volontier l'idée que Paul ne soit pas une personnage pur et angélique, autant j'ai quand même du mal avec le fait qu'on puisse le dépeindre comme un antihéros.

Sincèrement je ne pense pas qu'il y ait une bonne ou une mauvaise façon de le voir. F.H. le voyait ainsi mais ça ne veut pas dire que nous lecteurs devons obligatoirement le voir comme tel. Oui il y a toujours une tendance qui se dessine au travers d'une histoire. Un méchant est un méchant, un gentil est un gentil. La nuance qu'on fait dans tout ça est propre à chacun et c'est aussi ça l'intérêt de ce genre d’œuvre aussi vaste et riche, chacun va se l'approprier un peu à sa façon.

Ceci étant ça m'intéresse bien de savoir ce que vous en pensez. Et puis si au passage je suis le seul à le voir comme un héros.. bah tant pis  ;D

ionah:
Je pense que la construction du premier roman veut montrer Paul comme héro et champion des Fremen.
Comme tu dis, toutes les cases sont cochées, tellement que l'on en vient à se poser la question si ce texte souffre du syndrome du "white savior"
Mais de nombreux 'red flags' jalonnent également le roman, aprce que Frank Herbert ne veut pas raconter une histoire avec un simple happy end, il veut faire passer ses idées.
Ce qui lui permet ainsi, à mon avis de faire de Paul ce fameux anti-héro dans le deuxième roman "Dune Messiah"

Otheym-al'fedaykin:

--- Citation de: ionah le mars 12, 2024, 01:20:37 pm ---Je pense que la construction du premier roman veut montrer Paul comme héro et champion des Fremen.
Comme tu dis, toutes les cases sont cochées, tellement que l'on en vient à se poser la question si ce texte souffre du syndrome du "white savior"
Mais de nombreux 'red flags' jalonnent également le roman, aprce que Frank Herbert ne veut pas raconter une histoire avec un simple happy end, il veut faire passer ses idées.
Ce qui lui permet ainsi, à mon avis de faire de Paul ce fameux anti-héro dans le deuxième roman "Dune Messiah"

--- Fin de citation ---
Il y a assez de rappels sur son songe funeste

Il Barone:
Hou-là vaste et intéressante question que voilà !

Et la réponse n'est pas si simple que cela à donner car elle n'est pas binaire (dans sa forme la plus pure 1 ou 0). Avant d'invoquer le Jihad Butlerien computons ensemble comme de bons mentats  ;)

Paul discerne un "sentier d'or" plein de violence qu'il finit par définir lors de la trance d'épice qui le mène à la prescience ultime (ou plutôt à la consultation de l'arbre des possibles). Quand il prend le pouvoir, il sait que l'univers connu va subir une nouvelle guerre sainte et meurtrière. Il sait aussi, a contrario, que de leur coté l’Empereur et le Baron recherchent un statu-quo moins meurtrier sur lequel ils assoient leur pouvoir. S'il ne prend pas le pouvoir, il évite un Jihad Atréides qui mettra à mal l'humanité.

Décide t'il d'être le déclencheur de cette catastrophe uniquement pour assouvir sa vengeance ?

Des questions se posent :

— Paul (et les siens) pourrait-il survivre sans nuire à l'humanité ? Sans aucun doute, la prescience dont il jouit lui permettrait d'éviter aisément les pièges tendus avant qu'ils ne soient conçus. Bref, même s'il semble être conduit par son instinct de survie, il possède le choix de s'extraire de cette destinée.

— La violence du Baron et de l'Empereur est-elle supérieures à celle qu'il va lui même exercer ? La encore le prédateur ultime de l'humanité c'est Paul et dans ce sens c'est lui le véritable méchant de l'histoire. Les guerres des assassins ne tuent que les nobles dont on convoite le pouvoir. Paul, lui va tuer des foules de soldats, des populations civiles...

— Pourquoi n'est-il pas décrit comme un monstre dans les fameuses citations apocryphes (justement parce qu'elles sont apocryphes).  Frank ne déclare t'il pas, par la bouche de l'un de ses personnages que l'histoire est écrite par les vainqueurs. Paul et les Atréides étant les vainqueurs ultimes de l'histoire, ils peuvent ainsi la réécrire à leur guise.

— Paul a t'il une raison plus noble que la survie et la rédemption de sa famille, la vengeance légitime (Pas de troll plz), ou la promesse qu'il a fait au peuple Fremen de l'émanciper ? Y a t'il un motif valable pour précipiter l'univers connu dans une guerre totale ? C'est là que les choses se compliquent...

L'humanité est enfermée dans un cycle sans fin qui la maintient dans un immobilisme funeste. Comme tout ce qui n'est plus capable d'évoluer le genre humain se dirige lentement mais surement vers son entropie. Prescient ultime, Paul serait le seul capable de voir le seul (et court ?) chemin que l'humanité n'a jamais arpenté. Celui qui mènera l'homme vers une nouvelle évolution. Bien entendu dans un univers qui fonctionne sur les bases de la destruction créatrice, pour créer de nouveaux humains il faut précédemment détruire ceux qui existent. Le début de ce sentier d'or passe donc par une extinction de masse.

C'est le chemin que Paul a décidé de prendre. Celui qui fait de lui un monstre, mais... (il y a un "mais")...

...il essaye par la suite d'obtenir une rédemption en évitant, autant qu'il le peut, de dépasser des limites qu'il redéfini jour après jours. Dans ce sens il n'est pas capable de s’acquitter lui-même du tribu qu'il demande à chacun de payer. Il rate donc son objectif et devient néfaste pour le sentier d'or. Mais je joue trop vite car, c'est là, la partition du Messie de Dune.

Et je vais plus loin. J'affirme que contrairement à ce que l'on pourrait croire l'Empereur Dieu est en définitive le seul vrai héros Atréides que l'on peut invoquer dans la saga de Frank Herbert. Certes il presse l'humanité comme un citron, mais il offre aussi son humanité et sa vie pour permettre à la dispersion de s'initier. Il achève le sentier d'or de son père en mourant au bout du chemin. Un vrai héros*, même s'il parait être le dieu de la destruction pour le coup. 

Paul est-il donc un anti-héros ?    

S'il possède bien les qualités physique et intellectuelles qui pourraient faire de lui un héros, à la fin du premier roman. Le prix de sa vengeance est tellement lourd qu'il est humainement impossible à porter. Il sait pertinemment quel est le prix à payer. C'est un choix hautement discutable pour un héros.

Si c'est un héros c'est celui d'un drame. Pétri de bons sentiments et droit dans ses bottes il s'avance vers son trépas. 

Je pense que le seul regret de Frank Herbert c'est que dans son roman hautement shakespearien le public n'a pas vu l'ironie de la situation. Paul est clairement dans l'erreur. Mais tout le monde ne possède pas l'art et l'expérience du vieux William pour conter des histoires. Pour une œuvre de SF, Frank a vraiment fait un superbe travail. 


(*) Lui contrairement à Paul il arrive à ses fins.

ionah:

--- Citation de: Otheym-al'fedaykin le mars 12, 2024, 02:57:15 pm ---Il y a assez de rappels sur son songe funeste

--- Fin de citation ---
soit, mais il pourrait les vaincre et devenir un encore plus grand héro. Genre Héro DC Comics.

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