ITW de Lynch dans l'Ecran Fantastique de 1985

Démarré par Otheym-al'fedaykin, Août 25, 2005, 02:25:19 PM

« précédent - suivant »

Otheym-al'fedaykin

Il y a deux ou trois ans, le réalisateur David Lynch tourna et joua dans un film-annonce de deux minutes par lequel il voulait remercier les directeurs d´un cinéma de Los Angeles de lui avoir permis de présenter son premier long métrage, Eraserhead. Lynch était assis sur un canapé, entouré de cinq Woody Woodpecker en peluche d´un mètre de haut: "Les garcons", ainsi que Lynch les appelait, avaient connu un départ difficile dans la vie, et tenaient aussi à remercier les patrons de la salle... Dans ce film Lynch donnait l´impression d´etre charmant, quoiqu´un peu bizarre. En chair et en os, il est tout aussi charmant, mais pas bizarre du tout; et en tant que metteur en scène, il a su rester fidèle à ses origines d´étudiant en art. Pour lui, le cinéma est surtout un moyen d´effectuer une peinture figurative. Les bureaux qui hébergent la production de Dune à la Van Der Veer Technical Effects n´ont rien d´attractif et celui de Lynch est meme décoré d´une facon plutot spartiate.

En dépit d´un emploi du temps surchargé - il terminait Dune tout en préparant Blue Velvet, son prochain film, et en travaillant sur le scénario de Dune II - Lynch a eu la grande gentillesse de nous recevoir, et notre entretien fut très cordial. En apprenant que nous avions eu sous les yeux un exemplaire du scénario de Dune, il se montra surpris mais pas faché; cela dit, et c´est bien compréhensible, il refusa de le commenter.

Après avoir répondu à nos questions, il devait nous remettre plusieurs cartes postales reproduisant ses peintures, qui venaient d´etre exposées à Mexico durant le tournage de Dune.



David Lynch et la productrice Rafaella De Laurentiis



Les Origines Du Film



Comment avez-vous entendu parler du projet de Dune?


C´est Dino (De Laurentiis) qzu m´a le premier demandé si j´avais entendu parler du roman, ce qui n´était pas le cas. Il me l´a fait lire et je l´ai adoré.

L´avez-vous immédiatement visualisé, dès la première lecture?

Non. Quand on lit, on a toujours présentes à l´esprit des images de ce que l´on nous décrit, mais dans le cas de Dune je n´aimais pas beaucoup les tableaux brossés par Frank Herbert. Ou plutot, disons que j´en aurais choisi certains plutot que d´autres. Toutefois, il me semble qu´il ne se trouve rien dans le script du film qui n´ait son origine dans le livre. Frank s´est montré très tolérant au niveau de mon choix; il savait que je m´efforcais d´etre fidèle au livre.

La première édition du livre date de 1964; pensez-vous qu´au cours des vingt dernières années, la société ait tellement changé que certains détails du roman aient du etre aussi modifiés?


Peut-etre, mais je m´intéresse guère à la politique et à ce genre de choses... Ce qui m´a plu dans "Dune", c´est le fond de l´histoire, sa texture, les différents mondes qu´elle évoque. Il y était question d´un monde extérieur... J´aime les histoires qui m´emmènent dans des endroits où je n´ai pas, normalement, une chance d´aller un jour. C´est ce qui m´a attiré irrésistiblement vers les différents niveaux du récit. Et puis aussi le fait que tout était beaucoup plus réaliste que, disons, Star Wars. Il y avait un grand nombre de détails très excitants pour moi, par le traitement que je pouvais leur faire subir en les portant à l´écran.

Parmi tous ceux qui ont été intéressés par l´adaptation à l´écran de Dune, certains étaient spécialement attirés par l´aspect politique et parce qu´il faisait vibrer en eux une corde sensible; les implications mystiques, par exemple. Est-ce votre cas?


Je sais que Jodorowsky est un mystique... Cela dit, quant on fait un film, il est fréquent qu´avant d´y mettre la dernière main, on parle de ce que l´on a l´intention de faire de sorte que lorsque le public va voire le film, il se demande de quoi on pouvait bien parler parce qu´on n´en retrouve rien ou c´est tellement abstrait qu´on ne s´en rend past compte.

J´aime bien que les spectateurs retirent quelque chose de mes films par eux-memes, peu importe quoi; ce qui compte, c´est que ca leur parvienne par le biais du film, lequel les affectera tous d´une manière différente, individuelle. Il y a des gens qui ne voient dans les films qu´une déclaration politique, ou une expérience mystique, quel que soit le film... Tout dépend du spectateur, et j´aime bien qu´il en soit ainsi.



LA CREATION DE QUATRE
MONDES BIEN DISTINCTS...



Avez-vous travaillez avec Frank Herbert à l´adaptation de son roman?

Pas vraiment; Frank en a lu plusieurs projets successifs et il vient maintenant de voir le premier montage du film, mais il s´est contenté de répondre à nos questions - et il y en a beaucoup! - ou de faire des suggestions. Cela dit, il s´est montré très coopératif car il était très enthousiasmé par le projet.

A-t-il l´impression, en dépit des modifications inévitable qui ont pu intervenir sur certains points, que l´atmosphère en a été conservée?

Absolument, il est très satisfait du résultat.

Combien de temps avez-vous mis à écrire le script?


Un an et demi. Je devais respecter certaines dates auxquelles nous nous réunissons, après quoi je me remettais à l´ouvrage et il y avait de nouvelles réunions ou des conférences, et ainsi de suite. Pendant cette période, nous avons également travaillé la conception graphique du film: c´est à ce moment-là que nous avons recruté le chef décorateur et le chef costumier. Nous avons aussi commencé à faire les repérages et la distribution, tout cela alors que je travaillais sur le script. Lourde tache!

Vos scripts abondent en descriptions très précises; avez-vous toujours carte blanche quant à l´aspect artistique des choses?

Oui. Le plus difficile aura été de donner une idée artistique au film: c´est qu´il y a quatre mondes bien distincts dans Dune.

Il y en a encore bien davantage dans le roman, mais les plus importants pour l´histoire sont au nombre de quatre. Il nous a fallu beaucoup de temps pour réussir à les faire paraitre tout à la fois différents et réels. Il fallait que tous les détails que l´on apercoit dans chacun de ces mondes s´intègrent vraiment parfaitement au contexte. Tony Masters, le chef décorateur, s´est mis au travail six mois avant le début du tournage. Nous avons parfois changé trois ou quatre fois d´avis avant d´adopter une idée, après quoi Bob Ringwood, le chef costumier, devait dessiner les costumes en fonction des données inhérentes à chacun des mondes. Tout le reste, accessoires et autres, a obéi aux memes principes.

Dune est constitué d´une infinité d´éléments distincts, et je ne suis pas sur, aujourd´hui encore, qu´aucun d´entre eux ne se détachera sur le fond comme un villain petit canard au milieu d´une couvée. Tout y est différent de ce que nous connaissons dans notre univers, et quand on s´attaque à un problème de ce genre, on n´a plus aucun point de référence.

Une fois que nous avons défini les mondes et certaines données esentielles, chacun a adapté son travail à nos critères; nous étions parés pour la manoeuvre. Les choses se mettaient en place toutes seules, elles allaient d´elles-memes. Nous éprouvions l´impression fantastique de les découvrir, comme si nous avions réellement décelé un univers parallèle.

Avez-vous eu réellement du mal à concevoir ces mondes où était différent?


Pas vraiment, nous nous sommes surtout beacoup amusés. D´ailleurs, je suis persuadé que meme lorsqu´on tourne un film censé se dérouler dans le monde réel, familier, il faut toujours attacher une grande importance au moindre détail; on y est obligé, c´est primordial: chaque détail compte. Nous n´avons donc pas vraiment eu beacoup plus de travail que pour n´importe quel film dans lequel on se serait donné un tant soit peu de mal, à ceci près que nous avons du inventer les accessoires et les construire, alors que la plupart du temps, il est possible de les trouver tout faits. C´était un peu plus difficile, mais j´aime les idées, et les gens qui aiment les idées. Nous étions entourés de tant de gens qui devaient s´occuper de tant de choses que nous les avons laissés s´exprimer dans une relative liberté et procéder eux-memes aux modifications qui leur plaisaient.

Avez-vous veillé personnellement à la création artistique de tous les détails?

Oui, évidemment. Un réalisateur doit mettre la main à tout. Celui qui ne le fait pas est fou! Un réalisateur opère à la manière d´un filtre: tout vient à travers vous, et tout prend form grace à vous. Tous ces gens avaient des idées géniales, encore fallait-il qu´elles passent par le crible du metteur en scène; c´est ainsi que j´ai fini par m´occuper de tout.

Avez-vous une expérience de décorateur
?

J´ai recu une éducation artistique; je voulais etre peintre. Ce ne sont donc pas les idées qui me manquent. Pour moi, c´est le coté visuel du film qui prime, mais je sais aussi qu´un réalisateur a besoin de toute l´aide dont il peut s´entourer, et ce film est ce qu´en ont fait tous ceux qui y ont collaboré. Je n´aurais jamais surmonté tous les obstacles sans tous ces gens merveilleux.

Avez-vous tenté d´apporter un style personnel à ce film?


Dans la mesure où tout passe par vous, il sera bien évidemment personnel, mais je n´ai aucune philosophie dans ce domaine, si ce n´est que je me suis efforcé d´etre fidèle à l´idée originale qui avait présidé à sa naissance. Lorsqu´on a une idée pour la première fois, elle recèle une puissance intrinsèque. Il faut essayer de ne pas oublier le sentiment que l´on éprouvait au moment où l´on a eu cette idée, et y rester fidèle. Quand on traduit un livre, on s´efforce de ne pas en trahir l´essence; ce libre est issu d´une somme d´idées originales, or elles pourraient etre diluées et amputées. Il ne s´agit pas de leur faire perdre leur pouvoir.

Le sujet vous "parla", et c´est ainsi que tous les films acquièrent un style distinct. En ce qui concernce Eraserhead, par exemple, le monde dans lequel il se déroule était devenu tellement réel pour moi que j´aurais pu, assis dans une pièce, décrire la ville entière où elle se trouvait. Rien n´existait en dehors de la pièce en question, mais ce néant avait pris une réalité concrète pour tous ceux qui avaient travaillé si longtemps sur le film.

Dans Elephant Man, il s´agissait d´un monde dans lequel on ne plus aller. Il fallait qu´il distille une certaine atmosphère, que l´on éprouve certains sentiments en le regardant; il devait avoir l´air réel. Lorsqu´on était sir le plateau, meme au milieu d´une centaine de techniciens, il fallait pouvoir se concentrer et retrouver cette atmosphère pour la traduire dans l´éclairage et les autres éléments de mise en scène, de telle sorte qu´elle passe à l´écran. Donner de la réalité, de la crédibilité au décor était en combat de tous les instants.

Vous avez surtout travaillé en noir et blanc; le fait de tourner Dune en couleur a-t-il représenté un grand changement pour vous?

Oui, car je n´aime pas la couleur. Je suis content du résultat, mais je crois que le noir et blanc est plus puissant.

Vous n´avez jamais pensé à tourner Dune en noir et blanc?


Si, mais il y a des films qui ne sont traduisibles que par la couleur, et celui-ci en est un. La couleur contribue à distinguer les différents mondes entre eux. Les deux films sur lesquel je suis actuellement en train de travailler, et les prochains Dune, s´il y en a, seront en couleur. Mais j´aimerais bien refaire un film en noir et blanc de temps en temps.

Est-ce vous qui avez décidé d´aller tourner au Mexique, ou la production?


C`était le seul endroit où il était possible de le tourner. Pour presque toutes les raisons auxquelles vous pourriez penser. Quand on songe aux contraintes imposées par ce film et qu´on fait la liste des différents endroits du monde où il était possible d´aller, on se rend compte que le Mexique était l´endroit idéal. Il y avait soixant-quinze décors différents, et huits plateaux géants, que nous avons utilisés deux fois. Et le désert était à un jet de pierre!

Le fait de travailler dans un pays en proie à ses propres difficultés, tant politiques qu´économiques, n´a-t-il pas posé de problèmes?


Cela n´en était que plus excitant! Il y avait toujours quelque chose qui ne marchait pas, il se passait constamment quelque chose, ce qui nous procurait sans arret de nouveaux sujets de conversation! C´est un monde fantastique, vraiment différent, Il est toujours bon de se plonger dans un environnement inconnu. Ca n´a pas toujours facilité le tournage, mais je crois que le Mexique a représenté une expérience formidable pour tout le monde.

Combien de temps le tournage a-t-il duré?


Les prises de vues de la première équipe ont pris six mois, après quoi nous avons entrepris la post-production. En tout, nous avons passé dix mois sur place, avec quatre ou cinq équipes qui travaillaient tous les jours.


LES RELATIONS DE TRAVAILS AVEC DINO DE LAURENTIIS...

La première fois que vous avez lu le livre, n´avez vous pas été intimidé par l´envergure du projet?

Pas vraiment. Je savais que ce serait un film difficile, mais tous les films représentent une suite de problèmes à résoudre ou de défis à relever. Et n´importe comment, faire un film c´est toujours infernal, alors... Avec Dune, je n´ai meme pas pensé à cet aspect des choses tant j´avais envie d´essayer, de faire quantité d´expériences nouvelles. Je me suis surtout dit que c´était un projet très important et qu´il me donnerait l´occasion de faire des tas de découvertes.

Cela dit, c´aura été un film très difficile à faire, plein d´embuches. Mais je crois que tout ce que j´avais envie de faire, je l´ai fait. Et s´il y a des choses que j´ai ratées, ce n´est de la faute de personne d´autre. One ne m´a jamais obligé à faire quoi que ce soit contre mon gré. Soyons honnete: Dino a la réputation d´etre tyrannique... Il a des idées bien arretées, mais c´est aussi un homme pondéré; il n´a jamais honte de dire qu´il s´est trompé. Il n´a pas peur de changer d´avis.

Mais il ne m´a jamais forcé à admettre ses idées, meme quand il y tenait vraiment.

Ce qui m´amène à vous poser une autre question: comment avez-vous fait pour si bien vous entendre avec lui alors que tant d´autres n´y sont pas arrivés?

Je crois que tout le secret réside dans ceci: disons que j´écrive ou tourne quelque chose qui me plaise pas à Dino; il y a deux solutions: soit je me dis "Dino est stupide, il n´y connait rien, et je ne vais pas l´écouter", ce qui ne peut pas manquer d´amener de gros problèmes, ou bien je me demande: "Pourquoi cela ne plait-il pas à Dino? Est-ce que j´y tiens vraiment, et est-ce que cela vaut la peine que je me batte?" Si cela en vaut la peine, et si j´arrive à l´en convaincre, on le gardera. Mais si ca n´en vaut pas la peine et si c´est discutable, alors c´est peut-etre lui qui a raison.

Il arrive aussi que Dino annonce qu´il y a un problème quelque part. Eh bien, la plupart du temps, c´est qu´il y a bien un problème. Dino a un sixième sens, pour ca. Il est comme Mack Sennett, il est toujours là. Si c´est ennuyeux, il ne peut pas le supporter. Il n´a pas toujours la solution, mais il sait toujours quand il y a un problème. Et c´est au réalisateur de le résoudre. Et si le réalisateur ne le résout pas, c´est lui que le fera. Il n´y a qu´à réfléchir. Quelle que soit la demande de Dino, on peut toujours dit: "Attendenz un peu, laissez-moi essayer de résoudre le problème tout seul." on rentre sous sa tente, on se creuse un peu la tete et la solutions a toutes les chances d´etre meilleure que ce qu´on avait imaginée la première fois.

C´est le but à atteindre, et c´est ce que j´ai toujours fait.

Quelle différence cela fait-il pour vous de travailler sur un film qui n´est pas parti d´une idée personnelle?

Dune est un film assez personnel, somme toute. Eraserhead était mon film le plus personnel. Elephant Man et Dune sont des films plus commerciaux. Cela ne m´a pas empeché, dans Elephant Man, de me plonger dans ce monde et de m´efforcer de tirer tout ce que je pouvais du matériel dont j´étais parti. C´est ce que j´ai essayé de faire avec Dune. Mais tout est différent. Dune aura été le plus difficile à faire. J´ai mais cinq ans à realiser Eraserhead, et tous les films sont difficiles à mettre sur pieds, mais je crois que celui-ci aura représenté une masse de travail encore plus énorme.



UNE COLLABORATION EFFICACE ET AMICALE AVEC FREDDIE FRANCIS


Préférez-vous travailler sur des idées à vous?


Pas à cent pour cent. Mes idées sont souvent étranges... Si je pars de celles de quelqu´un d´autre et que j´y ajoute les miennes, tout est parfois pour le mieux dans le meilleur des mondes! Il aurait été stupide que je ne fasse pas Elephant Man, meme si ce n´est pas parti d´une idée personnelle. Je ne sais pas ce qui serait arrivé si j´avais continué à faire des films comme Eraserhead. Je ne sais pas si j´aurais pu continuer à faire du cinéma, tout simplement!

J´ai envie de faire Blue Velvet et Ronnie Rocket, deux films que j´ai écrits moi-meme, Je vais avoir la chance de les faire. Mais je veux aussi avoir celle de faire les films des autres. J´ai envie de faire toutes sortes de choses différentes.

C´est la première fois que vous mettez en oeuvre des effets spéciaux aussi nombreux. Cela fut-il une expérience importante pour vous?


Une expérience différente, certainement, mais il y avait déjà toutes sortes de manipulations de l´image dans Eraserhead, presque dans tous les plans, meme si c´était à une plus petite échelle. Dans Elephant Man, il y avait des choses qui n´avaient pas l´air d´etre des effets spéciaux, mais qui en étaient pourtant bel et bien. Dans Dune, il y en a beaucoup plus, c´est tout. Je n´avais encore jamais utilisé l´écran bleu, ou des maquettes, or dans ce film, nous avons fait appel à toutes les techniques existantes.

Carlo Rambaldi s´est occupé des vers geants d´un bout à l´autre, mais John Dykstra a abondonné le projet en cours de route. Y-a-t-il eu un moment où vous vous etes retrouvé seul, sans personne pour assumer l´ensemble des effets spéciaux?


Non, pas un seul instant. Quand John est parti, Van Der Veer a pris le relais. L´équipe était totalement internationale. Nous avions des spécialistes de l´écran bleu venus d´Angleterre et des Etats-Unis, des maquettistes américains, anglais, italiens et espagnols... Dans tous les départments il y avait des spécialistes du monde entier. Et il y en a toujours eu. Par ailleurs, tout avait fait l´objet de story-boards détaillés, de sorte que chacun savait parfaitement ce qu´il avait à faire.

Si on apprend quelque chose dans ce genre d´expérience, c´est bien que, quoi que l´on puisse imaginer, on peut le montrer. Il y a toujours moyen d´y arriver. Il suffit de trouver la méthode et d´avoir les gens qu´il faut pour ca!

C´est votre second film avec Freddie Francis comme chef-opérateur. Vous devez maintenant avoir d´excellentes relations de travail. Comment vous a-t-il aidé à restituer l´atmosphère de Dune?


Il est exact que nous nous entendons merveilleusement. Sa philosophie consiste à s´insinuer dans le cerveau du metteur en scène pour découvrir ce qu´il a envie de voir et à le lui montrer. C´est en cela qu´il est d´un aide inappréciable.

Pour la photo de Dune, il a utilisé un dispositif baptisé Light Flex. C´est une sorte de filtre placé en avant de l´objectif, mais ce n´est pas un filtre; ca réalise comme une prélumination ou une solarisation du film avec pour résultat que l´image est comme unifiée par un vernis. C´est très subtil. Cela ajoute des ombres à l´intérieur desquelles on distingue tout, ou encore ca baigne toute une scène d´une teintre irréelle. Mais contrairement à un filtre, ca n´affecte que les ombres tandis que les plages lumineuses restent blanches. Elles ne prennent aucune couleur. Cela permet bien d´autres effets encore. Les copies tirées de l´inter-négatif sont bien meilleures. On dirait que les éléments de la seconde génération sont d´une plus grande qualité, moins contrastés. On peut en user avec délicatesse ou au contraire en appuyant tous les effets. Si Freddie en fait usage, c´est que cela apporte une différence subtile à tout le film.

Avez-vous travaillé avec lui sur l´atmosphère propre à chacun des mondes?

Oui, nous en avons longuement parlé ensemble. Nous avons fait appel à des techniques d´éclairage différentes sur chacun des mondes, mais au départ, le problème relevait davantage du décorateur et de la couleur que de la photo. Ce qui change tout, c´est la couleur propre à chacun des décors et ce qu´il y a devant la caméra.

Vous avez choisi pour incarner Paul, le héros du film un acteur pratiquement inconnu, qui fut ensuit entouré d´une barrière de secret. Comment l´avez-vous trouvé, et pourquoi tous ces mystères?

Ce n´est pas moi qui tenais à ce secret. Nous avons eu beaucoup de change de tomber sur lui. On imagine toujours qu´il suffit que l´inconnu soit beau garcon pour décrocher le role, meme s´il ne sait rien fairee et s´il faut le prendre par la main pour lui faire faire le parcours. Or Kyle est un grand acteur; il sait où il va, il a de la présence et il joue bien. Toutes les qualités requises pour incarner Paul. Mais nous l´aurions pris aussi s´il avait été très connu. Nous avons surtout eu de la chance.

C´était un admirateur de la saga de Dune!

Oui. Il avait lu le livre à seize ans. Il n´y avait qu´un acteur qui pouvait interpréter ce role. Kyle nous l´avons déniché dans un coin obscur de cette planète. Et il avait adoré ce roman... C´était un peu comme si nous avions plongé la main dans un tonneau et que nous avons retiré un numéro gagnant. Il est originaire de Seattle; comme Frank Herbert. Et moi, je suis né à Spokane, qui est sur la route! C´est un peu un film nord-ouest.

Et les autres acteurs? Aviez-vous des acteurs particuliers en tete lorsque vous avez écrit le script?

Pas vraiment, non. Le casting est primodial, dans un film. Il a autant d´importance que le scénario. J´aime celui-ci. Pour chaque role, il n´y avait peut-etre que quatre ou cinq interprètes possibles, mais les trouver et choisir celui qui allait jouer dans le film fut très difficile. Encore que très amusant! Mais personne n´avait été vraiment pressenti dès le début.

Pourquoi avoir retenu Sting?

Je l´avais rencontré à Zoetrope, où j´essayais de faire tourner Ronnie Rocket; il rendait visite à Francis Ford Coppola. J´ai appris qu´il avait joué dans Quadrophenia, et voilà tout. Je le connaissais comme chanteur, mais à l´époque je pensais à quelqu´un d´autre, de sorte que lorsque son nom a été prononcé pour incarner Feyd, j´ai refusé. Pour moi, ce n´était qu´une vendette de rock et ca ne collait pas avec le personnage. Jusqu´au moment où j´ai vu une bobine de Brimstone and Treacle; je l´ai trouvé extraordinaire et c´était gagné! Enfin, pas tout à fait, parce qu´il fallait encore qu´il accepte. Je suis donc allé diner chez lui où nous avons joué au billard. Je lui ai parlé de Gedi Prime, la planète Harkonnen, et il a été très enthousiasmé par le projet.



DUNE ET SES SEQUELLES...




Vous n´avez jamais été effrayé à l´idée que vous alliez travailler sur un film que tout le monde attendait depuis vingt ans?

Je vis perpetuellement dans la peur. Mais il n´y a rien à faire! Je ne suis jamais satisfait de ce que je fais. Je trouve toujours que ca n´est pas à la hauteur de ce qui, au départ, n´était guère qu´une étincelle. Rien ne va jamais comme je veux. Voilà comment ca se passe chez moi, et c´est surement dommage, mais je n´y peux rien. C´est l´enfer, de vivre ainsi. Je pense toujours qu´un jour, peut-etre, quelqu´un arrivera à faire un film parfait dans les moindres détails.

Votre prochain film sera-t-il Ronnie Rocket?


Non, Blue Velvet; Ronnie Rocket, c´est pour après. Blue Velvet est une histoire d´amour et de mystère.

Il s´agit d´un type qui se retrouve dans deux mondes à la fois, l´un agréable, l´autre très sombre et terrifiant.

Ronnie Rocket et le récit de l´enquete d´un détective. Il y est question d´un petit bonhomme d´un mètre de haut, aux cheveux roux, et de courant électrique à soixante périodes...

Et si Dune remporte le succès que tout le monde attend?


Alors je ferai Dune II et Dune III, l´un derrière l´autre. Mais où? Je l´ignore. Peut-etre au Mexique, encore une fois... N´importe comment, cela attendra la fin de Ronnie Rocket. C´est Raffaella qui en assura de nouveau la production, et si nous avons de la chance, nous réunirons l´équipe d´origine. Entretemps, Raffaella doit produire Tai Pan, et elle sera plus ou moins impliquée dans la production de Blue Velvet.

Si vous réalisez ces deux séquelles de Dune, chacune d´elles sera-t-elle l´adaptation d´une suite littéraire, ou les regrouperez-vous deux par deux?

J´écris actuellement le scénario de Dune II, qui est une stricte adaptation du "Messie de Dune", avec des variations sure le thème. C´est Dune III qui va me poser des problèmes; je ne suis pas fanatiques des "Enfants de Dune" et je veux relire le roman pour voir ce que l´on peut en tirer. Je voudrais en arriver au point où je mourrai d´envie de le porter à l´écran. "Le Messie de Dune" est un livre très court, qui ne plait pas à tout le monde, mais il fourmille d´idées très alléchantes. Je suis très excité à l´idée de le porter à l´écran; je crois que cela fera un très bon film.

Pensez-vous que le fait d´avoir réalisé le premier va vous faciliter les choses pour les suivants?

J´aurai certainement beaucoup moins de mal à faire Dune II et II que le premier, oui. J´en connais l´environnement, maintenant; je peux broder dessus tout à mon aise. Il y aura beaucoup d´éléments originaux dans Dune II; quant à Dune III, comme je vous le disais, je ne me suis pas encore vraiment penché sur le problème de son adaptation, de sorte que je ne peux rien en dire pour l´instant.

Dune II se passe douze ans plus tard, ce qui impose toutes sortes de contraintes. C´est une difficulté en soi. Le décor dans lequel les personnages évoluent a changé; c´est le meme endroit mais tout est différent. L´atmosphère n´est plus la meme. Il faudra que l´on ait l´impression que douze années, douze années très étranges, ont passé...

Parlez-nous de vos débuts: qu´est-ce qui vous a amené au cinéma?

J´étais dans une école de dessin; à la fin de chaque année, il y avait un concours de peinture et de sculpture expérimentales. Une année, j´ai fait une sorte de billard électrique dans lequel on laissait tomber, par une fente, un roulement à bille qui descendait le long d´une rampe, actionnait toute une série de contacts dont l´un frottait une allumette sur un grattoir pour allumer un pétard, tandis que d´autres faisaient ouvrir la bouche de la femme, allumaient une ampoule rouge et la faisaient hurler lorsque le pétard éclatait!

J´ai donc réalisé un film d´une minute, monte en boucle, et projeté sur un écran spécial, de ma fabrication; il m´avait fallu autant de temps pour en venir à bout que pour faire le film. Ce qui m´avait pris un bon moment, parce qu´il était entièrement animé; il y avait jusqu`à dix-huit éléments en mouvement par image. L´écran était pourvu de trois tetes et de bras en trois dimensions, le reste étant plat, comme un écran normal. Quant au film, il avait six tetes et autant de bras, dont trois étaient déformées par la projection sur les éléments en relief de l´écran, les autres restant plats. Au cours de la projection, les tetes se transformaient en estomac et on aurait dit qu´ils prenaient feu. Tout se mettait à remuer, à ses contracter et à vomir. Et ca recommencait. Comme piste sonore, j´avais choisi une sirène.

Voilà comment j´ai commencé à faire du cinéma: avec ce film d´une minute. Un millionaire qui s´appelait H. Barton Wasserman m´a donné l´argent nécessaire pour lui en faire un pour mettre chez lui. J´ai acheté une caméra toute neuve, mais elle était cassée, et je ne le savais pas. J´ai passé deux moi à animer, et je me suis retrouvé avec une image toute floue. Il m´a dit de garder l´argent et de faire ce que je voulais avec. C´est ainsi que j´ai fait un film de quatre minutes intitulé The Alphabet, qui m´a valu une bourse de réalisateur indépendant à l´American Film Insitute où j´ai réalisé un autre film, de 34 minutes cette fois, The Grand-mother, que j´ai commencé en 1968 et terminé en 70 et grace auquel je suis entré au centre d´Etudes supérieures du cinéma à Beverly Hills. C´est là que j´ai fait Eraserhead.

Bien des années ont passé entre Eraserhead et Elephant Man...

Je les ai passées à construire des cabanes... J´adore construire des choses. Je distributais des journaux - enfin, le Wall Street Journal - et il m´arrivait souvent de trouver des bouts de bois sur mon chemin. C´est ainsi que j´ai construit plusieurs cabanes, très élaborées. Certaines avaient l´électricité, des murs enduits de platre, un toit vitré, de petites fenetres et tout ce qu´il faut. Il n´y a rien qui puisse me rendre plus heureux que de construire quelque chose et de scier du bois!

Extrait de L´écran fantastique, No. 53, Février 1985


Copier-coller de la page http://davidlynch.de/ecranlynch.html

Otheym-al'fedaykin

Donc j'ai recopié les fautes.. normal c'est sur un site allemand.. dsl !


mais bon on comprend un peu aussi les intentions de Lynch (adaptation de "Dune Messiah" et de "Children of Dune"... j'ai peur de voir ce que donne LetoII en pleine possession de ses pouvoirs physiques !)

Donc voila... j'éspère que ca va vous plaire :) !

kwisatz

Donc on a failli avoir droit au Messie et aux Enfants...
Je savais pas du tout ca !

J aurai ete curieux de voir ce que ca aurait donne...
Et qui sait, il aurait peut etre enchaine avec l Emperuer Dieu, les Heretiques et la Maison des Meres !

Sünh Surra

ha, l'ecran fantastique, j'ai été abonné pendant de nombreuses années, je dois encore les avoir dans un vieux cartons. Je me souviens bien de celui là, je crois que c'était Sting/Feyd sur la couv'
J'ai foulé un désert
Dont les mirages flottants étaient les habitants......

Otheym-al'fedaykin

MMMM non je pense que c'était STUDIO Sühn ;) !



Sinon pour God Emperor, en voyant les vers normaux... j'ose pas imaginer le désastre avec Leto Atreides II vermiforme :lol:

Sünh Surra

Heu...ben là, vu que tu m'as fait douté, j'ai ouvert le vieux carton où était ma collec et je confirme sur la couv' du n.53 c'est bien Sting/Feyd!!!  :D

Mais bon il a du faire pas mal de couvertures à l'epoque puisque c'était lui "la star"
J'ai foulé un désert
Dont les mirages flottants étaient les habitants......

kwisatz

Et de tres loin, a mon avis, le personnage le plus reussi a l ecran !! :)

Unknown

Je viens de lire dans une autre interview que David avait d'abord refusé Sting en le voyant comme une simple vedette du rock et donc incapable d'apprecier le metier d'acteur d'une part et surtout ce film, qui si le rendu est mediocre, a vraiment beaucoup appris au réalisateur.

Waff

Très intéressant cet interview Otheym, j'ignorais complètement que Lynch avait réfléchi (et même commencait un script semble-t-il?) pour réaliser les "Messie de Dune" en film ....
Enfin ça soulève une question : Lynch paraît ici très enthousiaste sur la réalisation de Dune en film, envisageant même des suites, comment en est-il alors arrivé à renier le film par la suite? Le film a pourtant eu du succès, non?
Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas. Le sage enseigne par ses actes, non par ses paroles." - Lao Tseu

Unknown

AHH...non au contraire. Les crtiques l'ont descendu en flamme et le public a pas apprecié le film. Car premierement c'est du david lynch ( ca enleve tout les idiots qui sortent de la salle en disant " oh c'était nul parce que j'ai pas compris)...enfin...et aussi c'est de la s.f et la aussi les fans sont plus rares....Attention nous ne parlons pas de la s.f de gare où les nains verts se battent contre des méchants avec des épées fluo.

Otheym-al'fedaykin

LOL.... Ah oui avec des gorilles, un Oscar géant et une boule de pétanque qui flotte dans l'espace.... avec des "piu" et des "vion vion" ?? Ca s'appelle comment déja... un truc comme "starwouacks".. c'est ca ? :D

Unknown

Absolument. C'est tout a fait ca.
Actuellement il y a 2 s.f et celle des épée fluos est pas celle que je prefere. De fait la s.f est relativement peu comprise comme aidant a faire avancer la société mais comme une consommation de gros films bourré d'effet speciaux. C'est dommage...et comme je suis rancunier avec les choses qui me touchent je démonte autant que je le peux les gens qui se pretendent "fan" de s.f en ayant vu "starwouacks" ou le seigneur des anneaux.

Reckept, Handyf

Star Wacks: ça ressemblerait beaucoup, en fait, à ma définition de l'industrie du cinéma en général...
Des étoiles et beaucoup de bidon... :ace_razz:
The show must go on...
Si le public embarque, pourquoi la machine arrêterait?

Heureusement, ce monde est peuplé d'exceptions.

De temps en temps, un peu d'intelligence et/ou de beauté réussit à jaillir du magma boueux d'inanités qu'on nous sert chaque jour.
Vous me direz, ça n'est que divertissement mais l'influence est énorme, aussi énorme parfois que les moyens déployés, surtout quand on ne se doute de rien...
Baah j'arrête là mon Hs, on va me dire que je suis pessimiste.

En fait je suis bien content qu'un gars comme Lynch ait pu le faire ce film.
C'est précisément ce qui m'a attiré dans le Dunivers, pour commencer.
Comme quoi, l'impression au final est pas trop méchante.
Mais c'est 5 heures qu'il aurait dû durer ce film! :ace_cool2:
Avec entracte!
Petite question pour les chevronnés: qui a dessiné le Nav'? Est-ce que c'est Giger? Quelle drogue(s) prenait-il? On a du mal à voir que ça a déjà été humain, ce truc...

Fedaykin

Citation de: "Otheym The Fedaykin";p="29693"LOL.... Ah oui avec des gorilles, un Oscar géant et une boule de pétanque qui flotte dans l'espace.... avec des "piu" et des "vion vion" ?? Ca s'appelle comment déja... un truc comme "starwouacks".. c'est ca ? :D
Ben vi c'est populaire. Yavait bien eu 2001 : A Space Odyssey 10 ans avant mais ça avait choqué (lors de la 1ère la moitié des gens sont partis a la fin l'autre fin a fait un triomphe à Kubrick)
Dune de Lynch fut ma 1ere approche pour Dune j'avais du le voir ya 4 ans sur la 5 en vostfr ça durait super longtemps mais j'étais super interessé même si je ne comprenais pas tout j'aimais beaucoup l'univers qu'il avait créée (je ne devais pas connaitre le livre à l'époque)
Penser est une éjaculation intellectuelle, ne vous privez surtout pas...
"Toute pensée est antropomorphique"   Albert Camus