On peut aussi peut-être faire une distinction entre faire vivre le Dunivers, au-delà de FH, et le fermer de toute part, le cloisonner dans des réalisations médiocres. Cela compliquant sensiblement, par la suite, toute réappropriation de l'?uvre de manière plus décente.
Si le Dune de 1984 n'avait pas été aussi salopé.
Si les mini-série faisaient un peu moins "cheap".
Si les réécritures made in BH & KJA n'étaient pas aussi honteuses.
"L'avenir du Dunivers" ne serait peut-être pas aussi bouché.
Si le film "Dune" avait peu attendre son "Peter Jackson" au lieu d'être un film de commande foireux.
Si une série "Dune" avait pu disposé des niveaux d'exigences et de qualités atteint dans de nombreuses séries d'aujourd'hui.
Si de véritables écrivains, à l'instar de Fondation, avaient pris le relais de FH avec d'autre aspiration que le besoin de salir.
Et si "Dune" n'avait nullement besoin de tout ça pour vivre en nous ...
Je comprends ton raisonnement Batigh ... Mais tu peux aussi faire le choix de voir le verre à moitié plein ? L'histoire du Dunivers
est pleine d'espoirs déçus, de semi-échecs, d'oeuvres incomprises. Je parle du Dunivers, et non de Dune. La nuance pourra
sembler spécieuse, mais je la crois pertinente. La Crucifixion de Dali est très différente de celle de Zurbaran qui lui-même se
distingue des icônes byzantines. Et toutes ces oeuvres ne sont pas fidèles à la lettre de l'Évangile. Elles sont fidèles à une idée.
Non à un modèle prêt-à-l'emploi. C'est ainsi que je vois la distance entre Dune et le Dunivers. Je ne fais plus de la "fidélité"
un critère d'appréciation valide. Je pense même que le concept d' "adaptation" n'est que l'expression du conservatisme borné
des fans. Oui, je parle bien de conservatisme. Je crois que le Dune de Jodo aurait été vomi par 99% des fans de Dune. De
même que la tentative assez osée de Ridley Scott.
Les fans attendent un livre d'images. Ils veulent des images plaquées sur des mots. Voilà pourquoi les films académiques et sans
imagination de Jackson plaisent tant. Voilà pourquoi les passables miniséries suscitent autant d'applaudissements ...Et ne vous y
trompez pas, le RÉEL succès commercial de KJA relève du même tropisme : ça ressemble à Dune, c'est efficace et c'est même
moins compliqué .... Mais quel auteur digne de ce nom accepterait de se laisser brider par le cadavre froid d'une oeuvre orpheline
de son créateur ? Non, faire revivre ces choses, ça tient de la thanatopraxie, de l'occulte ou de la charognerie. Seul un bookworm
comme KJA pouvait se repaître d'un cadavre décomposé...
Ma théorie, c'est que Dune est morte le 11 Février 1986 avec son créateur. À part des notes et des archives inédites, il n'y a plus
rien à en tirer, sinon des commentaires. Par contre, le Dunivers, lui, est bien vivant. C'est un univers fictionnel parallèle à Dune.
Il est né en 1963 sous le crayon de Schoenherr, et depuis il ne cesse de grandir, empruntant ou trahissant son point d'origine.
Voyez les dessins de Schoenherr, ils trahissent déjà la lettre de Dune. Mais ils ont reçu l'imprimatur de FH et personne ne se
permet de les remettre en cause. Pourtant, c'est ce qui arrive quand on se moque des combinaisons Harkonnen du Lynch. Ces
combinaisons de Miller, Ringwood & Masters sont en vérité des copies conformes du Schoenherr de 1963. Mais qui s'en soucie
quand tous les regards sont accaparés par un comparatisme stérile entre le livre et le reste ? Que reste-t-il du livre dans la
plupart des jeux vidéos ? Pas grand chose ...mais de l'esthétique du Lynch : TOUT. Étrange "nanard" qui parvient à devenir "culte"
et à nourrir en imaginaire une industrie entière et un paquet de musiciens (Namlook, Eon, Fatboy Slim, Jamiroquai, Lunatic Asylum...)
J'ai donc peu à peu pris conscience qu'il fallait cesser de tout ramener au cadavre littéraire de Frank Herbert. De son vivant même, le
Dunivers ne lui appartenait plus : à chaque article de la DE, McNelly poussait ses pions et le pressait de co-écrire le Jihad Butlérien,
David Matthews et Iron Maiden défiaient ouvertement ses avocats, Jodorowsky ne gardant plus du roman qu'une vague trame pour
servir à ses desseins ésotériques.
Où est la "fidélité" là-dedans ? Cette qualité première du "fandom" me semble devoir être analysée comme un désordre infantile, un
besoin régressif de défendre une doxa, un souvenir, un fantasme, un CANON. Franchement, je n'y crois plus et mes frères OH ne
manqueraient pas de me mettre au pilori s'ils le savaient.
Je crois en la liberté de l'art et des artistes. Et je suis très content des albums de Klaus Schulze, de Richard Pinhas/Heldon, de Bernard
Szjaner/Zed, des Dün et de toute la mouvance Zeuhl-Magma ... Merci à eux d'avoir allègrement ignoré les fans obtus et les avocaillons
quand bien même «Frank Herbert doesn't like rock bands, particularly heavy rock bands, and especially rock bands like Iron Maiden»
