Comme Chigg & Anudar l'avaient montré, l'écriture de KJA ne se déploye que sur de petites unités temporelles et narratives de l'ordre du chapitre ou de la nouvelle.
Ce n'est donc pas un hasard s'il montre dans ses "short stories" une qualité d'écriture supérieure à celle de ses romans. Il maîtrise l'exercice de la nouvelle avec ses impératifs particuliers de rythme, de mise en intrigue et de dénouement dramatique. KJA a une réputation d'auteur honorable dans ce domaine et la critique a souvent reçu favorablement cette partie de sa production. Je pense que KJA aurait été un bon auteur de pulp ou de novelette dans les années 50. Bien sûr, il n'aurait jamais atteint le génie foudroyant de certaines nouvelles de Sturgeon, Bester, Brown ou Simak... mais il n'aurait pas dépareillé dans le paysage des petits auteurs "populaires" à la Hubbard ...
Le problème est que KJA a vu le jour dans un environnement SF où les grandes oeuvres de la Speculative Fiction et de la New Wave ont installé depuis longtemps l'idée d'une SF de haute tenue capable de se déployer sur de longs arcs narratifs.
Le problème de KJA, c'est qu'il est né dans un monde éditorial frileux qui s'accroche désespérément à ses "long sellers" et ne jure que par les suites, les séquelles, les retcons et les reboots en tout genre. Un monde où l'imaginaire d'un livre est systématiquement délayé sur tous les médias pouvant faire fructifier une franchise: BD, graphic novels, cinéma, jeux, livres ...
Un monde sans imagination où l'art est réduit au rang d'artisanat de l'entertainment. KJA, obscur novelliste de Star Wars, tacheron appliqué des fan-cyclopédies, n'est donc que le produit de son époque, de ses habitus culturels et de ses pratiques commerciales.
Paradoxalement, c'est le succès de Dune dans les 70's ou de Tolkien quelques années plus tôt qui auront involontairement légitimé cette tentation facile du gros roman dilué dans d'improbables suites et rebondissements dignes d'un soap opera. Mais la nécessité de construire par petites touches un univers fictionnel chez Herbert et Tolkien s'est muée dans une certaine littérature en recherche vulgaire du profit : il y a long et long ...
KJA est novelliste. Passé 20 pages, sa mémoire flanche, les cassettes de son dictaphone saturent. Voilà pourquoi il prépare avec une grande méticulosité les plans de ses "romans" qu'il développe jusqu'au plus petit sous-chapitre. Puis, après validation de Brian, il se met à son footing et à remplir/dicter les blancs. Chacun de ses "romans" est donc une succession de petites nouvelles collées les unes aux autres. Van Vogt avait baptisé cette technique de collage de petits récits pour en faire un plus gros : "fix-up".
Les Grandes Écoles sont donc un peu plus qu'une "séquelle". Le singulier de l'anglicisme ne doit pas nous cacher qu'il s'agit là d'une nouvelle accumulation de micro-récits pluriels et maladroitement articulés. Déjà 13 récits de baclés !